Lyrics and translation Boris Vian - Cinématographe

Cinématographe

Quand j'avais six ans la première fois
Que papa m'emmena au cinéma
Moi je trouvais ça plus palpitant que n'importe quoi
Y avait sur l'écran des drôles de gars
Des moustachus, des fiers à bras
Dès qui s'entre-tuent chaque fois qu'ils trouvent un cheveu dans l'plat

Un piano jouait des choses d'atmosphère
Guillaume Tell ou le grand air du Trouvère
Et tout le public en frémissant
Se passionnait pour ces braves gens
Ça coûtait pas cher, on en avait pour ses trois francs

Belle, belle, belle, belle, belle comme l'amour
Blonde, blonde, blonde, blonde, blonde comme le jour
Un rêve est passé sur l'écran et dans la salle obscurément
Les mains se cherchent, les mains se trouvent timidement

Belle, belle, belle, belle, a revoilà
Et dans la salle plus d'un cœur bat
La voiture où elle se croit en sûreté
Vient de s'écraser par terre avec un essieux cassé
Le bandit va pouvoir mettre la main
Sur le fric, c'est tragique, nom d'un chien
C'est fini, tout s'allume, à mercredi prochain

Maintenant ce n'est plus mon papa qui peut m'emmener au cinéma
Car il plante ses choux là-bas pas loin de Saint Cul-Cul Fa
Mais j'ai rencontré une Dalila, une drôle de môme, une fille comme ça
Elle adore aller le mercredi dans les cinémas

Bien sûr c'est devenu le cinémascope
Mais ça remue toujours et ça galope
Et ça reste encore comme autrefois rempli de cowboy sans foi ni lois
Et de justiciers qui viennent fourrer leurs grand pieds dans le plat

Gare, gare, gare, gare, Gary Cooper
S'approche du ravin d'enfer
Fais attention pauvre crétin car Alan Ladd n'est pas très loin
À 500 mètres il loge une balle dans un crouton de pain

Gare, gare, gare, gare, pendant dans ce temps là
J'la prends doucement au creux d'mon bras
Le fauteuil où elle se croit en sûreté
Ne m'empêche pas, ma foi, d'arriver à l'embrasser
J'ai pas vu si Gary sort gagnant
Mais comme c'est l'cinéma permanent
Ma chérie, rappelle-toi, on est resté un an
Et on a eu beaucoup d'enfants

Cinematograph

When I was six the first time
My father took me to the cinema
I found it more exciting than anything
There were funny guys on the screen
Mustachioed, proud
Who kill each other every time they find a hair in their food

A piano played atmospheric things
William Tell or the great aria from Il Trovatore
And the whole audience, trembling
Was passionate about these brave people
It didn't cost much, you got your three francs worth

Beautiful, beautiful, beautiful, beautiful, beautiful as love
Blonde, blonde, blonde, blonde, blonde as the day
A dream passed on the screen and in the dark room
Hands seek each other, hands find each other timidly

Beautiful, beautiful, beautiful, beautiful, there she is again
And in the room more than one heart beats
The car where she believes herself to be safe
Has just crashed to the ground with a broken axle
The bandit will be able to get his hands on
The money, it's tragic, damn it
It's over, everything lights up, see you next Wednesday

Now it's no longer my father who can take me to the cinema
Because he plants his cabbages there not far from Saint Cul-Cul Fa
But I met a Delilah, a funny kid, a girl like that
She loves to go to the cinema on Wednesdays

Of course, it's become Cinemascope
But it still moves and gallops
And it's still full of lawless cowboys as before
And of vigilantes who come to put their big feet in the dish

Beware, beware, beware, beware, Gary Cooper
Is approaching the ravine of hell
Be careful poor fool because Alan Ladd is not far behind
At 500 meters he lodges a bullet in a crouton of bread

Caution, caution, caution, caution, meanwhile
I take her gently in the crook of my arm
The chair where she believes herself to be safe
Doesn't stop me, by my faith, from managing to kiss her
I didn't see if Gary came out victorious
But as it's the permanent cinema
My darling, remember, we stayed a year
And we had many children