Lyrics and translation Lynda Lemay - Le bon veuf

Le bon veuf

La tête entre deux tempes grises et deux mâchoires bien serrées
Quand même élégant dans sa chemise un tantinet mal repassée
Parce que le pauvre n'a plus personne ni au grenier, ni en cuisine
Pour jouer l'amante et la bonne d'une main douce et féminine
Il promène sa quarantaine avec l'honneur de n'être encore
Qu'un rescapé de cette peine que ne peut causer que la mort
Il promène son impuissance de mari injustement libre
Obligé d'purger comme sentence une perpétuelle absence horrible

Il s'en va la joue presque humide et joliment presque rasé
D'un pas apparemment solide et que l'on suppose ébranlé
Au petit café du village où se pressent à le consoler
Des tas d'agréables visages aux larges sourires dévoués
Plus il déballe son histoire, plus les demoiselles charmées
S'agglutinent, viennent s'asseoir auprès du grand déraciné
Qui comme généalogie ne semble compter qu'une branche
Celle tombée de sa chérie, de sa défunte, de son ange

Quoi d'plus attrayant qu'un bon veuf pour qui une nouvelle vie commence?
Qui faute d'avoir un coœur neuf a l'cœur lavé par le silence
De celle qui dort la bouche close avec des secrets pleins l'cercueil
Et une douzaine des rouges roses qu'il lui a piquées dans l'orgueil
Avant de fermer le couvercle devant la foule désolée
Qui semblait s'étrangler avec une sympathie démesurée
Quoi d'plus séduisant qu'un bon mec soudain blanchit de tous soupçons?
Les ex-époux, on les respecte; surtout en deuil, et en veston

Et c'est la tête entre deux planches et deux mâchoires bien cimentées
Que la petite dame toute blanche, que l'on a toute endimanchée
Avant d'la mettre dans son trou et d'l'ensevelir de cette terre
Dont elle doit la pelletée première à son irréprochable époux
Oui, c'est la tête sous une pierre et le dos rongé jusqu'à l'os
Qu'elle laisse son bon mari faire l'éloge de leurs si justes noces
Et leur inachevé mariage pour lequel mainte villageoises
Postulent le feu au corsage et le beau minois en extase

Bien entendu, il la louange, sa belle morte bien-aimée
Depuis qu'elle s'est changée en ange et en vitesse, et en fumée
Jamais personne ne saura que leur amour battait de l'aile
La morte est sauvée par le Ciel, le veuf est sauvé par le glas

The Good Widower

His head held between graying temples and a tightly clenched jaw,
Still elegant in his slightly wrinkled shirt,
Because the poor man has no one left, neither in the attic nor the kitchen,
To play the lover and the maid with a gentle, feminine hand,
He carries his forties with the honor of being nothing more
Than a survivor of that pain that only death can cause.
He carries his impotence as an unjustly free husband,
Forced to endure as a sentence a perpetual, horrible absence.

He walks with his cheek almost moist and handsomely almost shaved,
With a seemingly solid step that one supposes shaken,
To the small village café where they press to console him,
Heaps of pleasant faces with broad, devoted smiles.
The more he unpacks his story, the more the charmed ladies
Cluster around, come to sit beside the great uprooted one,
Who as genealogy seems to have only one branch,
The one fallen from his darling, his deceased, his angel.

What's more attractive than a good widower for whom a new life begins?
Who, for lack of having a new heart, has his heart washed by the silence
Of the one who sleeps with her mouth closed, with secrets filling her coffin,
And a dozen red roses that he pricked into her pride
Before closing the lid in front of the desolate crowd
Who seemed to choke with excessive sympathy.
What's more seductive than a good guy suddenly cleared of all suspicion?
Ex-husbands, we respect them; especially in mourning, and in a suit.

And it's with her head between two planks and her jaws firmly cemented
That the little lady all in white, who has been dressed in her Sunday best,
Before putting her in her hole and burying her with this earth,
Of which she owes the first shovelful to her irreproachable husband,
Yes, it's with her head under a stone and her back gnawed to the bone
That she lets her good husband praise their oh-so-just union
And their unfinished marriage for which many village women
Apply with fire in their hearts and beautiful faces in ecstasy.

Of course, he praises her, his beautiful beloved dead,
Since she has turned into an angel, and into speed, and into smoke.
No one will ever know that their love was on the rocks.
The dead woman is saved by Heaven, the widower is saved by the knell.