Lyrics and translation Yves Montand - Le Peintre, La Pomme Et Picasso

Le Peintre, La Pomme Et Picasso

Sur une assiette bien ronde en porcelaine réelle
Une pomme pose
Face à face avec elle
Un peintre de la réalité
Essaie vainement de peindre
La pomme telle qu'elle est
Mais
Elle ne se laisse pas faire
La pomme
Elle a son mot à dire
Et plusieurs tours dans son sac de pomme
La pomme
Et la voilà qui tourne
Dans une assiette réelle
Sournoisement sur elle-même
Doucement sans bouger
Et comme un duc de Guise qui se déguise en bec de gaz
Parce qu'on veut malgré lui lui tirer le portrait
La pomme se déguise en beau bruit déguisé
Et c'est alors
Que le peintre de la réalité
Commence à réaliser
Que toutes les apparences de la pomme sont contre lui
Et
Comme le malheureux indigent
Comme le pauvre nécessiteux qui se trouve soudain à la merci de n'importe quelle association bienfaisante et charitable et redoutable de bienfaisance de charité et de redoutabilité
Le malheureux peintre de la réalité
Se trouve soudain alors être la triste proie
D'une innombrable foule d'associations d'idées
Et la pomme en tournant évoque le pommier
Le Paradis terrestre et Ève et puis Adam
L'arrosoir l'espalier Parmentier l'escalier
Le Canada les Hespérides la Normandie la Reinette et l'Api
Le serpent du Jeu de Paume le serment du Jus de Pomme
Et le péché originel
Et les origines de l'art
Et la Suisse avec Guillaume Tell
Et même Isaac Newton
Plusieurs fois primé à l'Exposition de la Gravitation Universelle
Et le peintre étourdi perd de vue son modèle
Et s'endort
C'est alors que Picasso
Qui passait par là comme il passe partout
Chaque jour comme chez lui
Voit la pomme et l'assiette et le peintre endormi
Quelle idée de peindre une pomme
Dit Picasso
Et Picasso mange la pomme
Et la pomme lui dit Merci
Et Picasso casse l'assiette
Et s'en va en souriant
Et le peintre arraché à ses songes
Comme une dent
Se retrouve tout seul devant sa toile inachevée
Avec au beau milieu de sa vaisselle brisée
Les terrifiants pépins de la réalité.

The Painter, the Apple and Picasso

On a round porcelain plate
An apple rests
Face to face with it
A painter of reality
Tries in vain to paint
The apple as it is
But
It does not let itself be done
The apple
It has its say
And several tricks in its bag
The apple
And here it turns
On a real plate
Slyly on itself
Softly without moving
And like a Duke of Guise who disguises himself as a gas burner
Because one wants, despite him, to paint his portrait
The apple disguises itself as a beautiful disguised noise
And then
That the painter of reality
Begins to realize
That all the appearances of the apple are against him
And
Like the unfortunate indigent
Like the poor wretch who suddenly finds himself at the mercy of any charitable and fearsome association of beneficence and charity
The unfortunate painter of reality
Suddenly finds himself to be the sad prey
Of an innumerable crowd of associations of ideas
And the apple turning evokes the apple tree
The Terrestrial Paradise and Eve and then Adam
The watering can, the espalier, Parmentier, the staircase
Canada, the Hesperides, Normandy, the Reinette and the Api
The serpent of the Jeu de Paume, the oath of the Apple Juice
And original sin
And the origins of art
And Switzerland with William Tell
And even Isaac Newton
Several times awarded at the Exhibition of Universal Gravitation
And the dizzy painter loses sight of his model
And falls asleep
It is then that Picasso
Who passed by there as he passes everywhere
Every day as if it were his home
Sees the apple and the plate and the sleeping painter
What an idea to paint an apple
Says Picasso
And Picasso eats the apple
And the apple says Thank you to him
And Picasso breaks the plate
And walks away smiling
And the painter torn from his dreams
Like a tooth
Finds himself alone in front of his unfinished canvas
With in the middle of his broken dishes
The terrifying seeds of reality.