Paroles et traduction Bernard Lavilliers - L'Espagne

L'Espagne

Un azur constellé
Pour y finir ses rôles
Des plages un peu privées
Pour de vieux polissons
La misère pittoresque
La misère si drôle
Qu'on écoute chez soi
Sur son microsillon
Des étudiants vivants
Qui sentent la potence
La vérité qui ne tient jamais qu'à un fil
Et puis la peur du feu et de la délivrance
36 ans de cachot vous font les yeux fragiles
Je parlais un peu de L'Espagne
Y a un ruisseau de sang
Derrière ton parasol
Un rebelle anonyme
Glisse sous les arcades
Palomita mia de mi corazon
Sur tes cartes postales
Claquent des fusillades
Des condamnés à morts
Qui roulent dans tes vagues
Des poètes affamés
Qui saignent leurs chansons
Des touristes fleuris
Comme des promenades
Bronzent, bleus et poilus
Comptent leurs additions
Et le français moyen
Se sentant enfin riche
Achève son décor
Rustique et ses galops
Sur la desserte horrible
Il cloue entre ses biches
Un vilain Christ noir
À tête de taureau
Les âmes exilées
Qui crèvent en exil
Les prêtres défroqués
Qui finissent au cachot
Ne dérangeront pas
Ces sinistres débiles
Aux cerveaux ramollis
Coulants sous les chapeaux

Spain

A bejewelled azure sky,
Where one retires to end their plays.
Some rather private beaches,
For lecherous old chaps.
Poverty so picturesque,
Such amusing misery.
One listens at home
On one's gramophone records.
Lively students,
Who sense the gallows,
The truth, which always hangs by a thread,
And then the fear of fire and of deliverance.
Thirty-six years in prison make one's eyes fragile.
I was talking a little bit about Spain,
There's a river of blood
Behind your parasol,
An anonymous rebel
Slips beneath the arcades.
Palomita mia de mi corazon,
On your postcards
Gunshots crack.
Condemned prisoners
Tossed about in your waves.
Hungry poets
Bleed their songs,
Tourists in flowery shirts
Like strolls in the park,
Bronzed, blue, and hairy,
Calculate their bills,
And the average Frenchman,
Feeling finally rich,
Completes his decor,
Rustic and his gallops,
On the horrible sideboard,
He nails between his deer
An ugly black Christ.
With the head of a bull.
Exiled souls,
Who perish in exile,
Defrocked priests,
Who end up in prison,
Will not disturb
These sinister imbeciles,
With their softened brains,
Sagging under their hats.