Paroles et traduction Bernard Lavilliers - La peur

La peur

La peur a un visa ancré sur le futur
Elle s'insinue en toi comme de la poudre pure
Elle perce tes poumons d'une lame de fer
Et épaissit le sang qui bat dans tes artères

Elle rive au quotidien des milliers d'albatros
Aux ailes de poulet gavé de poudre d'os
Aux gestes étriqués aux cerveaux-estomacs
Qui trottinent sur le bitume de l'au-delà

L'avenir est un chien crevé sous un meuble
Sentir que c'est pas tout noir, que c'est pas tout blanc
Se dire qu'y a pas que les bons et les méchants
Savoir que c'est pas tout blanc, que c'est pas tout noir

La peur tire tes volets vers les huit heures du soir
Et renforce tes gonds et ferme tes couloirs
Dans le silence humide où la télé allume
Son oeil unique aux reflets bleutés dans la brume

Elle te ferme la gueule quand on te remercie
Pour service rendu Travail, Famille, Patrie
Elle te glace le ventre quand on te licencie
Et que tu restes nu chômage, cellule, parti

L'avenir est un chien crevé sous un meuble
Sentir que c'est pas tout noir, que c'est pas tout blanc
Se dire qu'y a pas qu'les bons et les méchants
Savoir que c'est pas tout blanc, que c'est pas tout noir

La peur gaine de cuir et s'écrit no futur
Mais vend ses barbelés au mètre sur mesure
Tu ne dis pas je t'aime quand elle te déshabille
Tu la baises quand même juste derrière la grille

Elle réduit au confort tes désirs d'aventure
Et taxe tes envies de passion et d'air pur
C'est l'indice d'écoute branché sur le cerveau
C'est 1933 en place pour le show

L'avenir est un chien crevé sous un meuble
Sentir que c'est pas tout noir, que c'est pas tout blanc
Se dire qu'y a pas qu'les bons et les méchants
Savoir que c'est pas tout blanc, que c'est pas tout noir

La peur

La peur c'est le corbeau penché sur le devoir
C'est du papier monnaie contre du désespoir
C'est de la dérision face à la misère noire
C'est depuis le début le chantage du pouvoir

Fear

Fear has a visa anchored in the future
It seeps into you like pure powder
It pierces your lungs with a blade of iron
And thickens the blood that beats in your arteries

It rivets thousands of albatrosses to everyday life
With chicken wings stuffed with bone powder
With cramped gestures and brains like stomachs
Who trot on the asphalt of the afterlife

The future is a dead dog under a table
To feel that it is not all black, that it is not all white
To tell oneself that there are not only good and evil
To know that it is not all white, that it is not all black

Fear pulls your shutters closed at eight o'clock at night
And reinforces your hinges and closes your corridors
In the humid silence where the television lights up
Its single eye with bluish reflections in the mist

It shuts you up when you are thanked
For services rendered, Work, Family, Country
It freezes your belly when you are fired
And you are left naked, unemployed, in a cell, in a party

The future is a dead dog under a table
To feel that it is not all black, that it is not all white
To tell oneself that there are not only good and evil
To know that it is not all white, that it is not all black

Fear is clad in leather and writes "no future"
But sells its barbed wire by the meter
You don't say I love you when it undresses you
You still fuck it, just behind the fence

It reduces your desires for adventure to comfort
And taxes your desires for passion and fresh air
It is the rating gauge connected to the brain
It is 1933 in place for the show

The future is a dead dog under a table
To feel that it is not all black, that it is not all white
To tell oneself that there are not only good and evil
To know that it is not all white, that it is not all black

Fear

Fear is the raven leaning over the assignment
It is paper money against despair
It is ridicule in the face of black misery
It has been the blackmail of power since the beginning