Paroles et traduction Charles Aznavour - Et Peindre

Et Peindre

Rêver, chercher, apprendre
N'avoir que la peinture et pour maître et pour Dieu
Tendre à la perfection à s'en crever les yeux
Choquer l'ordre établi pour imposer ses vues
Pourfendre

Choisir, saisir, comprendre
Remettre son travail cent fois sur le métier
Souiller la toile vierge et pour mieux la violer
Faire hurler de couleur tous ces espaces nus
Surprendre

Traverser les brouillards de l'imagination
Déguiser le réel de lambeaux d'abstraction
Désenchaîner le trait par mille variations
Tuant les habitudes

Changer, créer, s'astreindre
À briser les structures à jamais révolues
Prendre le contrepied de tout ce qu'on a vu
S'investir dans son œuvre à cœur et corps perdu
Et peindre

De peur, de sueur, d'angoisse
Et de doute planté comme un poignard au cœur
Rester cloîtré souffrant d'une étrange langueur
Qui s'estompe parfois mais qui refait bientôt
Surface

Remplir, nourrir la toile
En jouant sur les ombres et les couleurs du temps
Imposer sa vision des choses et des gens
Quitte à être pourtant maudit, aller jusqu'au
Scandale

Capter de son sujet la moindre vibration
Explorer sans relâche et la forme et le fond
Et puis l'œuvre achevée tout remettre en questions
Déchiré d'inquiétude

Souffrir, maudire, atteindre
Les sommets de son art et de son énergie
Projetant ses démons sur la toile engourdie
Donner à l'objet mort comme un semblant de vie
Et peindre, et peindre, et peindre
Comme on parle et l'on crie

And to Paint

Dreaming, searching, learning
Having only painting as master and God
Striving for perfection until my eyes bleed
Shocking the established order to impose my views
Challenging

Choosing, grasping, understanding
Revising my work a hundred times over
Defiling the blank canvas and ravaging it better
Making all these empty spaces scream with color
Surprising

Sailing through the mists of imagination
Disguising reality with threads of abstraction
Unleashing the line with a thousand variations
Slaying habits

Changing, creating, constraining
To break structures forever gone
Taking the opposite tack of all we've seen
Investing in my work with all my heart and soul
And painting

With fear, sweat, anguish
And with doubt planted like a dagger in my heart
Remaining cloistered, suffering from a strange languor
Which sometimes fades but soon returns
To the surface

Filling, nourishing the canvas
Playing with the shadows and colors of time
Imposing my vision of things and people
Even if it means being cursed, going all the way to
Scandal

Capturing the slightest vibration of my subject
Exploring relentlessly both form and content
And then, once the work is finished, questioning everything again
Torn with anxiety

Suffering, cursing, reaching
The heights of my art and my energy
Projecting my demons onto the numb canvas
Giving the dead object an illusion of life
And painting, painting, painting
As one speaks and screams