Paroles et traduction Charles Aznavour - J'abdiquerai

J'abdiquerai

J′abdiquerai un jour car c'est irréversible
Je tomberai de haut étant déjà la cible
De cette dame en noire qui promène une faux
N′étant pas fils de roi je n'ai pas sur la Terre
Reçu comme il se doit la charge héréditaire
Que léguaient les altesses à leurs tristes marmots

C'est au son du canon qu′ils entraient dans l′histoire
Moi c'est par mes chansons que j′ai mendié la gloire
Sur des scènes glorieuses ou de simple tréteaux
M'appropriant heureux nombre de territoires
Avec ma voix brisée face à mon auditoire
Paralysé de trac et armé d′un micro

Bien sûr ce fut très long étant optimiste
J'étais certain qu′un jour je deviendrais l'artiste
Reconnu de ses pairs et comblé de bravos
Le pire et le meilleur, j'en ai fait mon affaire
Et s′il me reste encore un beau spectacle à faire
Un bel enterrement flatterait mon égo

J′abdiquerai un jour comme ont fait les monarques
Qui ont laissé des traces et imprimé leurs marques
Au prix du sang versé par de pauvres héros
Face à cet ennemi qui tournera ma page
Que l'on nomme vieillesse et que j′appelle l'âge
Je fermerai les yeux sur mon dernier rideau

J′accepterai mon sort car je ne me vois guère
Contre la dame en noir déclarer une guerre
Que cette pute immonde n'a jamais perdue
Car c′est le lot commun, que l'on soit pauvre ou riche
Le temps décolle un jour les dernières affiches
Qui égaient les colonnes et les murs de nos rues

Adieu à son public, c'est comme adieu aux armes
Dernière apparition qui provoque des larmes
À l′heure ou l′on s'en va, poignardé de regrets
Avec la gorge sèche et le regard humide
Un regard d′amoureux sur une salle vide
C'est seul et déchiré qu′un jour j'abdiquerai

Mais avant de partir, du moins je subodore
Qu′il me faudra donner quelques spectacles encore
Pour clamer haut et fort que je pars sans retour
Quand coeur et voix brisés, accablé de souffrance
L'oeil triste, j'offrirai l′ultime performance
De ma vie encombrée de tendresse et d′amour

Trois ou quatre ans d'adieux c′est à peu près, j'estime
Ce qu′il me faut donner comme soirée ultime
Avant de recevoir dernière distinction
Ce grand César d'honneur qui me remplira d′aise
Qu'est déjà un visa pour le Père Lachaise
Que m'offrira debout toute la profession
Dans une chaleureuse et ultime ovation

I Will Abdicate

One day I will abdicate, for it's irreversible,
I will fall from on high, already the target
Of that lady in black who wields a scythe,
Not being a king's son, on this Earth I haven't
Duly received the hereditary burden
That highnesses bequeathed to their sad offspring.

To the sound of cannons they entered history,
Me, it's through my songs that I begged for glory
On glorious stages or simple platforms,
Happily claiming numerous territories
With my broken voice facing my audience,
Paralyzed by stage fright, armed with a microphone.

Of course it was very long, being optimistic,
I was certain that one day I would become the artist
Recognized by his peers and showered with bravos,
The worst and the best, I made it my business,
And if I still have one beautiful show to give,
A beautiful funeral would flatter my ego.

One day I will abdicate, as monarchs have done,
Who left their mark and imprinted their brands
At the price of blood shed by poor heroes,
Facing this enemy who will turn my page,
Called old age, which I call age,
I will close my eyes on my final curtain.

I will accept my fate, for I hardly see myself
Declaring war against the lady in black,
That filthy whore who has never lost,
For it's the common lot, whether poor or rich,
Time one day tears down the last posters
That brighten the columns and walls of our streets.

Farewell to one's audience is like farewell to arms,
A last appearance that provokes tears
At the hour of departure, stabbed by regrets,
With a dry throat and a moist gaze,
A lover's gaze upon an empty hall,
It is alone and torn that one day I will abdicate.

But before leaving, at least I suspect
That I will have to give a few more shows
To proclaim loud and clear that I am leaving with no return,
When heart and voice are broken, overwhelmed by suffering,
With a sad eye, I will offer the ultimate performance
Of my life filled with tenderness and love.

Three or four years of farewells is about, I estimate,
What I need to give as the ultimate evening
Before receiving the final distinction,
That great honorary Caesar that will fill me with ease,
Which is already a visa for Père Lachaise,
That the whole profession will offer me standing,
In a warm and ultimate ovation.