Paroles et traduction Charles Trenet - Sacré farceur

Sacré farceur

J'habite un violoncelle,
Un triangle isocèle.
Je demeure dans une maison
Entourée de gazon.
Les filles les moins sages
Viennent du voisinage.
Sautant par-dessus le mur,
Elles trouvent un homme mûr.
Je vis dans une volière
Dévoré par le lierre
D'où l'on voit des oiseaux
Qui planent sur les eaux.
Je hante un couvent morne.
Avez-vous vu mes cornes,
Mon nez couvert de suie
Car le diable je suis?
Non, non.
Non, non: vous voulez nous faire peur.
On ne vous croit pas, sacré farceur.
La petite fée qui loge
A deux pas de ma loge
Vient d'être assassinée.
Elle n'a plus de nez.
Au fond d'un couloir vide,
Je la retrouve vide
En robe d'opéra,
Dévorée par les rats.
Elle fut toute ma vie.
Longtemps, je l'ai suivie.
Nous visitions tous deux
Des pays merveilleux.
Sans son profil de rose,
Je perds le goût des choses
Et je vous dis adieu
Jusqu'à ce que je me sente mieux.
Non, non: vous voulez nous faire peur.
On ne vous croit pas, sacré farceur.
Bien des histoires d'enfance
Se terminent en cadence:
Une ronde, une chanson
Pour nous donner le frisson.
Quand on évoque les plages
Où la mer faisait rage
Quand on pêchait le hareng
Avec ses grands-parents
Et quand, parfois, lucide,
On se sentait le cÅâ ur vide
Sur les bords du plaisir
A deux pas du désir,
On ne savait pas que ce charme
Vous ferait verser des larmes
Et que l'on devrait un jour
Appeler ça l'amour.
Bravo! Vous avez bien du cÅâ ur.
Vous êtes tout de même
Un petit farceur.

The Humorous Jester

I live in a cello,
A scalene triangle.
I reside in a house
Surrounded by grass.
The least virtuous girls
Come from the neighborhood.
Jumping over the wall,
They find a mature man.
I live in an aviary
Devoured by ivy
From where birds can be seen
Flying over the water.
I haunt a dreary convent.
Have you seen my horns,
My nose covered in soot
For I am the devil?
No, no.
No, no: you want to scare us.
We don't believe you, you funny jester.
The little fairy who lives
A stone's throw from my dwelling
Has just been murdered.
She no longer has a nose.
At the end of an empty corridor,
I find her vacant
In an opera dress,
Devoured by rats.
She was my whole life.
For a long time, I followed her.
Together we visited
Wonderful lands.
Without her rose-like outline,
I lose my taste for things
And I say goodbye
Until I feel better.
No, no: you want to scare us.
We don't believe you, you funny jester.
Many childhood stories
End in rhythm:
A round, a song
To give us the thrill.
When we evoke the beaches
Where the sea was raging
When we fished for herring
With our grandparents
And when, sometimes, lucid
We felt our hearts empty
On the brink of pleasure
A step away from desire,
We did not know that this charm
Would make you shed tears
And that one day we would need to
Call it love.
Bravo! You have a good heart.
You are still
A little jester.