Paroles et traduction Claude Nougaro - Odette

Odette

Par les lourds cheveux noirs crépitant de violettes
Entre ses doigts ardents, il recueillait ta tête
Attirant vers ses yeux ton regard inondant
Toujours luisaient en lui ce front, ce grain, ces lèvres
Doucement ciselés par une chair orfèvre
Où rayonnait soudain le diadème des dents
Il croyait ce bébé bientôt quadragénaire
Qu'un mot d'ordre des nuits, une loi planétaire
Avaient croisé vos vies comme on tresse l'osier
Et brûlant dans tes bras adorables brasiers
Il baisait le cœur du mystère

À minuit dans un bar, oasis de ses dunes
Il avait ressenti comme un rayon de lune
Se poser sur son front tatoué de tourments
Cherchant d'où lui venait la curieuse caresse
Derrière le piano où jouait Aron Bridgers
Il avait vu la femme au visage éléphant
Au whisky, il n'est rien qui soit inconcevable
D'un geste encore sûr, s'asseyant à sa table
Il demanda abrupt "est-ce que je suis beau?"
La beauté, la laideur formaient ses grands bobos
Et le temps renversa son sable

Issue d'un Orient aux clartés fabuleuses
Dans nos quartiers latins, tu te sentais frileuse
Parfois l'homme possède une bonne chaleur
Dans sa chambre, ce fut ta première venue
Et la glace éclairée admira l'inconnue
Et les draps de son lit hissèrent tes couleurs

Il y eut d'autres nuits et d'autres jours qui passent
Les âges discordants, l'étrangeté des races
Ne t'empêchèrent pas étudiante d'aimer
Ce petit homme noir par ta voix désarmé
Et trouvant sous ta main sa place

Avec son air verni arriva le mariage
Car il faut qu'un matin les amants s'engrillagent
Dans un duo certain de s'enlacer au temps
Une tête assoiffée remplaça l'autre tête
Plus lourde qu'allégée par un travail poète
Et la porte eut le bruit qu'il faisait en sortant
Ton sommeil eut l'odeur de ses fuites nocturnes
Où pâlissait déjà le beau rayon de lune
Ton visage étoilé se ternit peu à peu
Puis, il reflamboya déployant ses cheveux
Habité d'une autre fortune

L'homme crie longuement quand jalousie le tord
Il sanglote, il hurle que l'univers a tort
Il s'arrache le cœur, son cœur criblé de dettes
Il t'aimait
Il t'aimait
Odette

Odette

Through heavy black hair crackling with violets,
Between his ardent fingers, he cupped your head,
Drawing to his eyes your flooding gaze,
Always shining in him, that forehead, that texture, those lips,
Gently sculpted by a goldsmith's flesh,
Where suddenly the diadem of teeth radiated,
He believed this baby soon to be forty,
That a password of nights, a planetary law,
Had crossed your lives like woven wicker,
And burning in your arms, adorable braziers,
He kissed the heart of the mystery.

At midnight in a bar, an oasis in his dunes,
He had felt like a moonbeam,
Landing on his forehead tattooed with torments,
Seeking where the curious caress came from,
Behind the piano where Aron Bridgers played,
He had seen the woman with the elephant face,
With whiskey, nothing is inconceivable,
With a still sure gesture, sitting at his table,
He abruptly asked, "Am I beautiful?"
Beauty, ugliness formed his great woes,
And time overturned its sand.

Coming from an Orient with fabulous lights,
In our Latin quarters, you felt chilly,
Sometimes a man possesses good warmth,
In his room, it was your first visit,
And the lit mirror admired the stranger,
And the sheets of his bed hoisted your colors.

There were other nights and other passing days,
Discordant ages, the strangeness of races,
Didn't stop you, student, from loving,
This little black man disarmed by your voice,
And finding his place under your hand.

With its polished air, marriage arrived,
For one morning lovers must be caged,
In a duet certain to embrace in time,
One thirsty head replaced the other,
Heavier than lightened by a poet's work,
And the door had the sound he made leaving,
Your sleep had the scent of his nocturnal escapes,
Where the beautiful moonbeam was already fading,
Your starry face dulled little by little,
Then, it flared up, unfolding its hair,
Inhabited by another fortune.

The man cries out long when jealousy twists him,
He sobs, he screams that the universe is wrong,
He tears out his heart, his heart riddled with debts,
He loved you,
He loved you,
Odette.