Paroles et traduction Georges Brassens - La ballade des cimetières

La ballade des cimetières

J'ai des tombeaux en abondance
Des sépultures à discrétion
Dans tout cimetière de quelque importance
J'ai ma petite concession

De l'humble tertre au mausolée
Avec toujours quelqu'un dedans
J'ai des petites bosses plein les allées
Et je suis triste, cependant

Car je n'en ai pas, et ça m'agace
Et ça défrise mon blason
Au cimetière du Montparnasse
À quatre pas de ma maison
À quatre pas de ma maison

J'en possède au Père-Lachaise
À Bagneux, à Thiais, à Pantin
Et jusque, ne vous en déplaise
Au fond du cimetière marin

À la ville comme à la campagne
Partout où l'on peut faire un trou
J'ai même des tombeaux en Espagne
Qu'on me jalouse peu ou prou

Mais j'n'en ai pas la moindre trace
Le plus humble petit soupçon
Au cimetière du Montparnasse
À quatre pas de ma maison
À quatre pas de ma maison

Le jour des morts, je cours, je vole
Je vais infatigablement
De nécropole en nécropole
De pierre tombale en monument

On m'entrevoit sous une couronne
D'immortelles à Champerret
Un peu plus tard, c'est à Charonne
Qu'on m'aperçoit sous un cyprès

Mais, seul, un fourbe aura l'audace
De dire "j'l'ai vu à l'horizon"
Du cimetière du Montparnasse
À quatre pas de sa maison
À quatre pas de sa maison

Devant l'château d'ma grand-tante
La marquise de Carabas
Ma sainte famille languit d'attente
Mourra-t-elle, mourra-t-elle pas

L'un veut son or, l'autre ses meubles
Qui ses bijoux, qui ses bibelots
Qui ses forêts, qui ses immeubles
Qui ses tapis, qui ses tableaux

Moi je n'implore qu'une grâce
C'est qu'elle passe la morte-saison
Au cimetière du Montparnasse
À quatre pas de ma maison
À quatre pas de ma maison

Ainsi chantait, la mort dans l'âme
Un jeune homme de bonne tenue
En train de ranimer la flamme
Du soldat qui lui était connu

Or, il advint que le ciel eut marre de
L'entendre parler de ses caveaux
Et Dieu fit signe à la Camarde
De l'expédier rue Froidevaux

Mais les croque-morts, qui étaient de Chartres
Funeste erreur de livraison
Menèrent sa dépouille à Montmartre
De l'autre côté de sa maison
De l'autre côté de sa maison

The Ballad of the Cemeteries

I have tombs in abundance, my dear,
Burial plots at my discretion,
In every cemetery of some importance,
I have my own small concession.

From humble mound to mausoleum,
With always someone inside,
I have little bumps all along the pathways,
And yet, I'm sad, my sweet bride.

For I have none, and it annoys me so,
And tarnishes my coat of arms,
In the Montparnasse Cemetery, you see,
Just a stone's throw from my home, alas,
Just a stone's throw from my home, alas.

I have some in Père Lachaise, my love,
In Bagneux, Thiais, and Pantin,
And even, with your kind allowance,
Deep within the marine cemetery's span.

In the city as in the countryside,
Wherever one can dig a hole,
I even have tombs in Spain, my pride,
Which I'm envied for, more or less, I'm told.

But I haven't the slightest trace, you know,
Not the smallest, humblest suspicion,
In the Montparnasse Cemetery, oh,
Just a stone's throw from my home, my woe,
Just a stone's throw from my home, my woe.

On All Souls' Day, I run and fly, my dove,
I go tirelessly, you understand,
From necropolis to necropolis, above,
From tombstone to monument, hand in hand.

I'm glimpsed beneath a wreath, my dear,
Of immortelles in Champerret,
A little later, it's in Charonne, I fear,
That I'm seen beneath a cypress, it's clear.

But only a rogue would have the audacity,
To say "I saw him on the horizon,"
Of the Montparnasse Cemetery, sadly,
Just a stone's throw from his home, so madly,
Just a stone's throw from his home, so madly.

Before my great-aunt's castle grand,
The Marchioness of Carabas,
My holy family waits in hand,
Will she die, or will she not pass?

One wants her gold, another her furniture,
Who her jewels, who her trinkets small,
Who her forests, who her buildings sure,
Who her carpets, who her paintings on the wall.

I only implore one grace, my call,
That she spends the dead season's thrall,
In the Montparnasse Cemetery, after all,
Just a stone's throw from my home, my all,
Just a stone's throw from my home, my all.

Thus sang, with death in his soul so deep,
A well-dressed young man, so fine,
Trying to rekindle the flickering sleep,
Of the soldier he once knew, in line.

Now it happened that heaven grew tired of his plea,
Hearing him speak of his vaults so grand,
And God signaled to the Grim Reaper, free,
To dispatch him to Froidevaux's strand.

But the undertakers, who were from Chartres, it seems,
A fatal delivery error, so dire,
Took his remains to Montmartre's beams,
On the other side of his home, his fire,
On the other side of his home, his fire.