Paroles et traduction Grégoire - Un matin (version longue)

Un matin (version longue)

Dès le matin, par mes grand′routes coutumières
Qui traversent champs et vergers,
Je suis parti clair et léger,
Le corps enveloppé de vent et de lumière.
Je vais, je ne sais où. Je vais, je suis heureux;
C'est fête et joie en ma poitrine;
Que m′importent droits et doctrines,
Le caillou sonne et luit sous mes talons poudreux;
Je marche avec l'orgueil d'aimer l′air et la terre,
D′être immense et d'être fou
Et de mêler le monde et tout
A cet enivrement de vie élémentaire.
Oh! les pas voyageurs et clairs des anciens dieux!
Je m′enfouis dans l'herbe sombre
Où les chênes versent leurs ombres
Et je baise les fleurs sur leurs bouches de feu.
Les bras fluides et doux des rivières m′accueillent;
Je me repose et je repars,
Avec mon guide: le hasard,
Par des sentiers sous bois dont je mâche les feuilles.
Il me semble jusqu'à ce jour n′avoir vécu
Que pour mourir et non pour vivre:
Oh! quels tombeaux creusent les livres
Et que de fronts armés y descendent vaincus!
Dites, est-il vrai qu'hier il existât des choses,
Et que des yeux quotidiens
Aient regardé, avant les miens,
Se pavoiser les fruits et s'exalter les roses!
Pour la première fois, je vois les vents vermeils
Briller dans la mer des branchages,
Mon âme humaine n′a point d′âge;
Tout est jeune, tout est nouveau sous le soleil.
J'aime mes yeux, mes bras, mes mains, ma chair, mon torse
Et mes cheveux amples et blonds
Et je voudrais, par mes poumons,
Boire l′espace entier pour en gonfler ma force.
Oh! ces marches à travers bois, plaines, fossés,
Où l'être chante et pleure et crie
Et se dépense avec furie
Et s′enivre de soi ainsi qu'un insensé!

One morning (long version)

From the morning, through my usual main roads
That cross fields and orchards,
I left clear and light,
My body wrapped in wind and light.
I go, I don't know where. I go, I'm happy;
It's celebration and joy in my chest;
What do I care about rights and doctrines,
The pebble rings and shines under my dusty heels;
I walk with the pride of loving the air and the earth,
Of being immense and of being crazy
And of mixing the world and everything
To this intoxication of elementary life.
Oh! the light and traveling steps of the ancient gods!
I bury myself in the dark grass
Where the oaks cast their shadows
And I kiss the flowers on their fiery mouths.
The fluid and gentle arms of the rivers welcome me;
I rest and I leave again,
With my guide: chance,
Through forest paths whose leaves I chew.
It seems to me that until this day I have lived only
To die and not to live:
Oh! what tombs dig the books
And how many armed foreheads descend there defeated!
Tell me, is it true that there were things yesterday,
And that everyday eyes
Have looked, before mine,
To see the fruits strutting and the roses flourishing!
For the first time, I see the crimson winds
Shine in the sea of branches,
My human soul has no age;
Everything is young, everything is new under the sun.
I love my eyes, my arms, my hands, my flesh, my torso
And my ample and blond hair
And I would like, through my lungs,
To drink the entire space to inflate my strength.
Oh! these walks through woods, plains, ditches,
Where the being sings and cries and screams
And spends itself with fury
And gets drunk on itself like a madman!