Paroles et traduction Hugues Aufray - Le gorille

Le gorille

C'est à travers de larges grilles
Que les femelles du canton
Contemplaient un puissant gorille
Sans souci du qu'en-dira-t-on
Avec impudeur, ces commères
Lorgnaient même un endroit précis
Que, rigoureusement, ma mère
M'a défendu de nommer ici

Gare au gorille

Tout à coup la prison bien close
Où vivait le bel animal
S'ouvre, on ne sait pourquoi, je suppose
Qu'on avait dû la fermer mal
Le singe, en sortant de sa cage
Dit "c'est aujourd'hui que je le perds"
Il parlait de son pucelage
Vous aviez deviné, j'espère

Gare au gorille

L'patron de la ménagerie
Criait, éperdu "nom de nom
C'est assommant car le gorille
N'a jamais connu de guenon"
Dès que la féminine engeance
Sut que le singe était puceau
Au lieu de profiter de la chance
Elle fit feu des deux fuseaux

Gare au gorille

Celles-là même qui, naguère
Le couvaient d'un œil décidé
Fuirent, prouvant qu'elles n'avaient guère
De la suite dans les idées
D'autant plus vaine était leur crainte
Que le gorille est un luron
Supérieur à l'homme dans l'étreinte
Bien des femmes vous le diront

Gare au gorille

Tout le monde se précipite
Hors d'atteinte du singe en rut
Sauf une vielle décrépite
Et un jeune juge en bois brut
Voyant que toutes se dérobent
Le quadrumane accéléra
Son dandinement vers les robes
De la vieille et du magistrat

Gare au gorille

"Bah, soupirait la centenaire
Qu'on pût encore me désirer
Ce serait extraordinaire
Et, pour tout dire, inespéré"
Le juge pensait, impassible
"Qu'on me prenne pour une guenon
C'est complètement impossible"
La suite lui prouva que non

Gare au gorille

Supposez qu'un de vous puisse être
Comme le singe, obligé de
Violer un juge ou une ancêtre
Lequel choisirait-il des deux?
Qu'une alternative pareille
Un de ces quatres jours, m'échoie
C'est, j'en suis convaincu, la vieille
Qui sera l'objet de mon choix

Gare au gorille

Mais, par malheur, si le gorille
Aux jeux de l'amour vaut son prix
On sait qu'en revanche il ne brille
Ni par le goût, ni par l'esprit
Lors, au lieu d'opter pour la vieille
Comme aurait fait n'importe qui
Il saisit le juge à l'oreille
Et l'entraîna dans un maquis

Gare au gorille

La suite serait délectable
Malheureusement, je ne peux
Pas la dire, et c'est regrettable
Ça nous aurait fait rire un peu
Car le juge, au moment suprême
Criait "Maman", pleurait beaucoup
Comme l'homme auquel, le jour même
Il avait fait trancher le cou

Gare au gorille

The Gorilla

It's through wide bars, my dear,
That the local ladies all
Gazed upon a mighty gorilla,
Not caring what others might call
Their behavior. Shameless and bold,
They ogled a particular place
That, strictly, my mother of old
Forbade me to mention in this case.

Beware the gorilla, love.

Suddenly, the tightly locked door
Where the handsome beast resided
Opened, who knows why, I implore,
Perhaps it hadn't been tied in.
The ape, emerging from his cage,
Said, "Today, I lose it, I swear!"
He spoke of his virginal stage,
You guessed it, I hope, my fair.

Beware the gorilla, love.

The owner of the menagerie
Cried out, distraught, "Good heavens above!
This is a bother, you see,
The gorilla's never known the love
Of a female ape." And so, the fairer sex,
Learning the ape was pure and chaste,
Instead of taking a chance, I'd expect,
They fled the scene with utmost haste.

Beware the gorilla, love.

Those very ones who, just before,
Eyed him with such lustful intent,
Fled, proving they hardly could store
A consistent thought. What time misspent!
Their fear was all the more in vain,
For the gorilla, a lusty chap,
Surpasses man in amorous strain,
Many women will back that up.

Beware the gorilla, love.

Everyone rushed to get away
From the ape in his rutting spree,
Except a decrepit old gray
And a young judge, stiff as can be.
Seeing all the others evade,
The primate quickened his stride,
His swagger towards the gowns displayed
By the old woman and the judge's side.

Beware the gorilla, love.

"Oh," sighed the centenarian dame,
"To be desired once more, you see,
Would be extraordinary, I claim,
And, frankly, quite unexpected for me."
The judge thought, impassive and cool,
"To be mistaken for a she-ape,
Is utterly impossible, as a rule."
What followed proved him a gape.

Beware the gorilla, love.

Suppose one of you had to be,
Like the ape, forced, by fate's decree,
To violate a judge or an ancestry,
Which would you choose, you and me?
If such a choice should come my way,
One of these days, as fates allow,
It's the old woman, I'd say,
Who'd be the object of my vow.

Beware the gorilla, love.

But, alas, though the gorilla may shine
In the games of love, it is known,
He's not renowned for taste so fine,
Nor wit, it must be shown.
So, instead of opting for the old,
As anyone else would do,
He grabbed the judge by his ear, so bold,
And dragged him off into the blue.

Beware the gorilla, love.

The rest would be quite delectable,
Sadly, I can't tell, you see,
It's regrettable, undetectable,
It would've made us laugh, maybe.
For the judge, at that final plight,
Cried "Mama," and wept a flood,
Like the man whose neck, that very night,
He'd ordered severed, as he stood.

Beware the gorilla, love.