Paroles et traduction Leo Ferré - L'étranger

L'étranger

Il existe près des écluses
Un bas quartier de bohémiens
Dont la belle jeunesse s'use
A démêler le tien du mien
En bande on s'y rend en voiture,
Ordinairement au mois d'août,
Ils disent la bonne aventure
Pour des piments et du vin doux
On passe la nuit claire à boire
On danse en frappant dans ses mains,
On n'a pas le temps de le croire
Il fait grand jour et c'est demain.
On revient d'une seule traite
Gais, sans un sou, vaguement gris,
Avec des fleurs plein les charrettes
Son destin dans la paume écrit.
J'ai pris la main d'une éphémère
Qui m'a suivi dans ma maison
Elle avait des yeux d'outremer
Elle en montrait la déraison.
Elle avait la marche légère
Et de longues jambes de faon,
J'aimais déjà les étrangères
Quand j'étais un petit enfant!
Celle-ci parla vite vite
De l'odeur des magnolias,
Sa robe tomba tout de suite
Quand ma hâte la délia.
En ce temps-là, j'étais crédule
Un mot m'était promission,
Et je prenais les campanules
Pour des fleurs de la passion
A chaque fois tout recommence
Toute musique me saisit,
Et la plus banale romance
M'est éternelle poésie
Nous avions joué de notre âme
Un long jour, une courte nuit,
Puis au matin: "Bonsoir madame"
L'amour s'achève avec la pluie.

The Stranger

There is near the locks
A slum of bohemians
Whose beautiful youth is spent
In unraveling mine from yours
In groups we go there by car,
Usually in August,
They tell fortunes
For peppers and sweet wine
We spend the clear night drinking
We dance by clapping hands,
One can hardly believe it
It's broad daylight and it's tomorrow.
We come back in one go
Gay, penniless, vaguely gray,
With flowers in abundance in the carts
His destiny is written in the palm
I took the hand of an ephemeral being
Who followed me into my house
She had ultramarine eyes
She showed her unreasonableness.
She had a light step
And long deer legs,
I already loved foreigners
When I was a little boy!
This one spoke quickly
About the smell of magnolias,
Her dress fell all at once
When my haste untied it.
At that time, I was gullible
A word was a promise to me,
And I mistook bellflowers
For passion flowers
Every time it starts again
Every music takes hold of me,
And the most banal romance
Is eternal poetry to me
We had played with our souls
A long day, a short night,
Then in the morning: "Good evening, madam"
Love ends with the rain.