Paroles et traduction Leo Ferré - Psaume 151

Psaume 151

Les psaumes sont écrits sur les magnétophones
Les chorus ont un nègre à chaque mélopée
Les bouches font des langues sept fois retournées
Miserere Seigneur du fond des microphones

La nature d'acier pousse des fleurs chromées
Le juste en Cadillac s'encense du cigare
Le courrier meurt de peur dans les aérogares
Miserere Seigneur du fond des destinées

Le boulanger joue la tournée au pain azyme
Les moutons des prisons se laissent tricoter
Et le coq de Saint Pierre a tranché son gosier
Miserere Seigneur du fond des anonymes

Les condamnés jouent au poker leur appétit
Et laissent aux suivants leur part de Jamaïque
Le coup de grâce dans le vent est liturgique
Miserere Seigneur du fond des piloris

L'estomac du commun se met en diagonal
Le traiteur donne aux chiens sa pitié tarifée
Les boueux ont glissé sur des peaux d'orchidées
Miserere Seigneur du fond des capitales

Les banques de l'amour sont pleines à craquer
Les "je t'aime" publics assomment les affiches
Les adolescents ont des lèvres postiches
Miserere Seigneur du fond des oreillers

Les vitrines regardent passer les voyelles
Les ortolans dans le commun prennent le frais
Et le saumon fumé boude le tapioca
Miserere Seigneur du fond de nos gamelles

Les femmes en gésine inondent le pavé
Les mineurs font un blanc à chaque lavabo
Les souffleurs de Baccara font des bancos
Miserere Seigneur du fond des encavés

Les brebis de Panurge attendent au vestiaire
Les visas escomptés percutent sur l'azur
La queue chez l'épicier jouit contre le mur
Miserere Seigneur du fond des muselières

La ville a dégrafé son corsage de mort
Les balles dans la rue ont la poudre nomade
Les pavés font la main aux yeux des barricades
Miserere Seigneur du fond des thermidors

Les temples sont cernés et sentent le roussi
Les magasines font la pige aux évangiles
Et les chemins de croix se font en crocodile
Miserere Seigneur du fond des crucifix

Le journal titre en deuil la putain des frontières
La fleur fane au fusil et meure sous un drapeau
Et les téléscripteurs nous mènent en bateau
Miserere Seigneur du fond de nos galères

La maladie veille au chevet des ganglions
Le coeur est métronome et la vie est musique
A l'hôpital les symphonies sont catholiques
Miserere Seigneur du fond des pulsations

La fonderie sur le tour égrène son rosaire
Le tueur de la rue a gagé son beefsteak
Et celui de Kobe n'aura pas un kopeck
Miserere Seigneur du fond des mercenaires

Le verbe s'est fait chaire dans le ventre rusé
La putain Marguerite a la peau qui dépasse
Le caillot dans les plis sinueux se prélasse
Miserere Seigneur du fond des pubertés

Les bourgeois de la rue ont piqué la vérole
Et réclament partout de faux médicaments
Qu'on leur sert en faisant claquer toutes leurs dents
Miserere Seigneur du fond des carmagnoles

Les sextants sont en grève au coeur des matelots
Les oiseaux carburés fientent les équipages
Le soleil fait la course avec le paysage
Miserere Seigneur du fond des paquebots

La trouille a revêtu la terre de sa housse
Le plat de contrition se vend au marché noir
Le curé fait du supplément sous l'ostensoir
Miserere Seigneur du fond de la ressource

Les condamnés jouent au poker leur appétit
Ils vous laissent Seigneur leur part de solitude
Le service est compris nous avons l'habitude
Descendez donc seigneur de notre connerie

Psalm 151

The psalms are written on tape recorders,
The choruses have a ghostwriter for each melody,
Mouths twist their tongues seven times over,
Miserere, Lord, from the depths of microphones.

Steel nature sprouts chrome flowers,
The righteous man in his Cadillac perfumes himself with a cigar,
The mail dies of fear in the airports,
Miserere, Lord, from the depths of destinies.

The baker plays his round with unleavened bread,
The sheep of the prisons let themselves be knitted,
And Saint Peter's rooster has slit its throat,
Miserere, Lord, from the depths of the anonymous.

The condemned gamble away their appetites,
And leave their share of Jamaica to the next in line,
The coup de grâce in the wind is liturgical,
Miserere, Lord, from the depths of the pillories.

The common man's stomach sets itself diagonally,
The caterer gives his priced pity to the dogs,
The muddy ones have slipped on orchid skins,
Miserere, Lord, from the depths of the capitals.

The banks of love are full to bursting,
Public "I love you's" overwhelm the posters,
Teenagers have fake lips,
Miserere, Lord, from the depths of pillows.

The windows watch the vowels pass by,
The ortolans in the public square take the cool air,
And the smoked salmon sulks at the tapioca,
Miserere, Lord, from the depths of our bowls.

Women in childbirth flood the pavement,
The miners draw a blank at each sink,
The Baccarat blowers make bancos,
Miserere, Lord, from the depths of the underground.

Panurge's sheep wait in the cloakroom,
Discounted visas crash against the azure,
The queue at the grocer's enjoys itself against the wall,
Miserere, Lord, from the depths of muzzles.

The city has unfastened its death corset,
The bullets in the street have nomadic powder,
The cobblestones shake hands with the eyes of the barricades,
Miserere, Lord, from the depths of Thermidors.

The temples are surrounded and smell of burning,
Magazines scoop the gospels,
And the ways of the cross are made of crocodile,
Miserere, Lord, from the depths of crucifixes.

The newspaper headlines mourn the whore of the borders,
The flower wilts on the rifle and dies under a flag,
And the teleprinters lead us astray,
Miserere, Lord, from the depths of our galleys.

Sickness watches over the bedside of the lymph nodes,
The heart is a metronome and life is music,
In the hospital, symphonies are Catholic,
Miserere, Lord, from the depths of pulsations.

The foundry on the lathe tells its rosary,
The killer on the street has pawned his steak,
And the one from Kobe won't have a kopeck,
Miserere, Lord, from the depths of mercenaries.

The word was made flesh in the cunning womb,
The whore Margaret's skin is showing,
The clot basks in the sinuous folds,
Miserere, Lord, from the depths of puberty.

The bourgeois of the street have caught syphilis,
And demand fake medicines everywhere,
Which are served to them while making all their teeth chatter,
Miserere, Lord, from the depths of the carmagnoles.

The sextants are on strike in the hearts of the sailors,
The fuel-powered birds shit on the crews,
The sun races with the landscape,
Miserere, Lord, from the depths of ocean liners.

Fear has covered the earth with its shroud,
The dish of contrition is sold on the black market,
The priest makes extra money under the monstrance,
Miserere, Lord, from the depths of resourcefulness.

The condemned gamble away their appetites,
They leave you, Lord, their share of solitude,
Service is included, we are used to it,
Descend then, Lord, from our bullshit.