Paroles et traduction Les Innocents - Les remorques

Les remorques

Il se revoit marcher, les pieds nus
Sur ces carreaux de grès qu'il a toujours connus
Cassés, mais il y avait tout à réparer
Dans cette ferme, de quoi s'occuper des années

Elle s'est assise contre la portière
Quand elle lui sourit, Maurice lui sourit
De peur de lui montrer qu'il est en marche arrière
Il fait semblant de voir devant lui

Il se voit, bottes doublées de fourrure
Aux pieds, dans le jardin repeindre la clôture
Et même, pour l'enfant qui se faisait attendre
Poser le papier peint, d'avance dans la chambre

Cet amour si près d'être mis au monde
Ça lui faisait danser, le faisait avancer
Si loin qu'il se retrouve avant que la nuit tombe
Sur le bord de la route, enlisé

Qu'en pensent les remorques?
Percées
D'illusions qui les portent
Bercées
Qu'en disent les remorques?
Laissées
Qui gisent à nos portes
Blessées

Comme il descend sur le marchepied
Il sent que tout fout le camp, qu'il s'est fait dépasser
Il voit l'autocar à l'horizon s'enfuir
Et demande au hasard de bien vouloir conduire

Pendant qu'on lance à l'autre bout du monde
Une fusée dans le ciel pour capter nos appels
Maurice, à contresens alors que la nuit tombe
Sur le bas-côté se range, et se rappelle

Qu'en pensent les remorques?
Percées
D'illusions qui les portent
Bercées
Qu'en disent les remorques?
Laissées
Qui gisent à nos portes
Blessées

Blessées
Par trop de sentiments
Usés par le temps
Où l'avenir n'est plus que le présent
Mais en marche avant
Comme une toile où toujours il se prend
Se casse les dents
Et passent les jours, les nuits
Cloué par l'ennui
Sur son lit de vide
Maurice compte les rides
Dresse l'inventaire
De ce qu'il pourrait bien faire
Dans un monde liquide
Remorque invalide
Et, dans sa tête qui cogne
Il croit voir passer les cigognes

Qu'en pensent les remorques?
Percées
D'illusions qui les portent
Bercées
Qu'en disent les remorques?
Laissées
Qui gisent à nos portes
Blessées.

Trailers

I see myself walking, my feet bare,
On the sandstone tiles I always knew,
Broken, but everything needs to be fixed,
In this farmhouse, enough to keep me busy for years.

She sat down on the passenger door,
When she smiled at me, Maurice smiled at her,
Afraid to show her that I'm going backwards,
I pretend to be looking in front of me.

I see myself, fur-lined boots
On my feet, repainting the garden fence,
And even, for the child who wanted to be born,
Putting up the wallpaper, in the bedroom in advance.

This love so close to coming into the world,
It made me dance, it made me move forward.
So far away that I found myself before nightfall,
On the side of the road, stuck in the mud.

What do the trailers think?
Pierced
With illusions that carry them
Cradled
What do the trailers say?
Abandoned
Lying at our doors
Injured

As I step down from the running board,
I feel that everything is going to hell, that I've been left behind,
I see the bus on the horizon speeding away,
And ask at random to drive.

While on the other side of the world, they're launching
A rocket into the sky to intercept our calls,
Maurice, going the wrong way as night falls,
Pulls over on the side and remembers,

What do the trailers think?
Pierced
With illusions that carry them
Cradled
What do the trailers say?
Abandoned
Lying at our doors
Injured

Injured
By too many emotions
Worn by time
Where the future is only the present
But going in the right direction
Like a canvas where he always gets caught
Breaks his teeth
And days and nights go by
Nailed by boredom
On his empty bed
Maurice counts the wrinkles
Takes inventory
Of what he could do
In a liquid world
Disabled trailer
And, in his pounding head,
He thinks he can see storks passing by.

What do the trailers think?
Pierced
With illusions that carry them
Cradled
What do the trailers say?
Abandoned
Lying at our doors
Injured.