Paroles et traduction Lucienne Delyle - J'ai entendu c't'air là

J'ai entendu c't'air là

J′ai entendu déjà c't air-là
Oui mais voilà, j′ me souviens pas
En quel endroit, à quel moment
Ni pourquoi ni comment
Est-ce un matin à la radio
Ou par le marchand de journaux?
Quoiqu'il me semble bien pourtant
Qu' ça remonte à quelque temps
J′ suis sûre qu′ c'est pas à l′Opéra
Ils ne jouent pas des trucs comme ça
Pas plus qu'au repas de communion
De la fille à Léon
À moins, à moins que ce n′ soit...
Pourtant j' m′en serais rappelé déjà
Mais où, mais où ai-je entendu c't air-là?
C'est à la terrasse
Du Café des Glaces
Qu′un p′tit monsieur
Retournait c' problème
Et son café-crème
Il avait beau faire
Patience ou colère
N′étaient pas mieux
Et très ironique
La boîte à musique
Jouait à qui mieux mieux
J'ai entendu déjà c′t air-là
S' répétait-il, oui mais voilà
J′ me souviens pas à quel moment
Ni pourquoi ni comment
Ce n'est pas mon chef de bureau
Il ne sait que "Mon vieux Pataud"
Mais ça pourrait être à Soissons
Lorsque j'étais dragon
Pourtant ça tourne au fond de moi
Ça flambe comme un feu de bois
Il m′ semble aussi qu′il y a autour
Tout un roman d'amour
Cette fois, ça y est, oui c′était à...
Et cependant non car j'y étais pas
Mais où, mais où ai-je entendu c′t air-là?
Pendant tout ce drame
Près de lui sa femme
Le regardait
Et voyant sa tête
Devint très inquiète
Le mari, sincère
Expliqua l'affaire
Et sa moitié
Dans un doux sourire
Finit par lui dire:
T′as donc oublié?
T'as entendu déjà c't air-là
Mais voyons, Jules, rappelle-toi
C′était un soir au cinéma
En mil neuf cent vingt-trois
On le tapait sur un piano
Tout au long d′un film de Charlot
Dont par contre je n' me souviens plus
On n′en avait rien vu
J'étais si bien entre tes bras
Que l′ lendemain t'es venu voir papa
J′ te revois avec tes gants beurre frais
Lui dire que tu m'aimais
Ça dure comme si c'était d′hier
Les beaux souvenirs coûtent pas plus cher
Garçon, remettez-nous-en pour vingt francs
Garçon, remettez-nous-en pour vingt ans
Garçons, mettez-nous-en pour vingt ans!
Tu viens, Jules?

I've Heard That Tune Before

I've heard that tune before,
But there you go, I can't recall
Where it was, or when it played,
Nor why, nor how it swayed.
Was it one morning on the radio,
Or by the newsstand's gentle flow?
Although it seems quite clear to me,
That it goes back a while, you see.
I'm sure it wasn't at the Opera,
They don't play things like that, not ever.
Nor at the communion celebration,
For Leon's daughter's congregation.
Unless, unless it could be...
But I'd remember, certainly.
But where, oh where did I hear that tune?
It was on the terrace,
Of the Café des Glaces,
Where a little man,
Turned this problem over again and again.
And his café crème,
He tried in vain,
Patience or anger,
Were no better.
And very ironic,
The music box,
Played on and on.
I've heard that tune before,
He kept repeating, but there you go,
I can't recall when it played,
Nor why, nor how it swayed.
It's not my office boss,
He only knows "My Old Pataud".
But it could be in Soissons,
When I was a dragoon.
Yet it spins deep inside of me,
It burns like a wood fire, wild and free.
It also seems there's all around,
A love story profound.
This time, that's it, yes it was at...
And yet no, because I wasn't there at that.
But where, oh where did I hear that tune?
During all this drama,
Near him, his wife,
Was watching him,
And seeing his head,
Became very worried instead.
The husband, sincere,
Explained the affair,
And his better half,
With a gentle laugh,
Ended up saying to him:
Have you forgotten then?
You've heard that tune before,
Come on, Jules, remember once more,
It was one evening at the cinema,
In nineteen twenty-three, that summer.
They were playing it on a piano,
Throughout a Charlie Chaplin show,
Which on the other hand, I don't recall,
We hadn't seen a thing at all.
I was so happy in your arms,
That the next day you went to see Papa, with all your charms.
I see you again with your butter-colored gloves so fine,
Telling him you loved me, making me thine.
It lasts as if it were yesterday,
Beautiful memories don't cost more, they say.
Waiter, give us another twenty francs worth,
Waiter, give us another twenty years worth,
Waiters, give us another twenty years!
Are you coming, Jules?