Paroles et traduction Mathieu Lippé - Prière

Prière

Peut-être que je suis un craqué
Car alors que je sais que je vais vers ma mort
Je sais que s'élève fort en mon for une psalmodie
Écoute, elle gronde et sort de mon intérieure vallée
C'est une prière que je souhaite ici te partager

Mais elle n'est ni de la Bible
Ni du Coran ni de la Torah
Mais elle naît d'elle-même
Elle s'imbibe
Dans les corps en vie
À tord à travers
Libre

Une prière
Qui sans chercher à ancrer à tout prix
Le sens du sacré dans mon crâne
Tente tout même d'inverser
Les crachats que j'ai crachés
En de nacrés chakras
Consacrés à ce que j'me sacre
La sainte paix une bonne foi pour toute
Et sans doute

Une prière
Qui se hasarde hors de tout calcul émotif
Une prière qui n'a pas besoin de motif
Une prière qui n'a pas besoin de temple
Ni de cathédrale ni de pyramide
Parce qu'elle est amie des sapins et des ifs

Une prière
Comme un courage
Un affront d'être naïf
Naïf dans le carrousel de l'importance
Que nous avons donné à la gravité
La gravité, voyons donc!

Ma prière rumine Rûmi
En me répétant: la vie c'est de l'impro
Faites de votre mieux pour être votre propre prophète
En fait, trop facile est de fuir le Raël
De devenir des professionnels du doute
Des pros testant la foi des autres
Chaque apôtre attrape ce qu'il peut
C'est bon si t'attrapes autre chose
Que ce que tout le monde veut

Mais si tu te sens si Confucius
C'est peut-être que Tao blié Lao-Tseu v'nait
Au fond, chacun dans son cœur a son propre minaret
Que ce soit Azan, les vêpres, les Upanishad un gospel qui retentisse
C'est toujours le même mantra qui s'y tisse:
Pou poum pou poum pou poum

Une prière
Lisse qui s'immisce dans les interstices de l'être
Qui fait plisser le factice, le fanatisme et les palisses du paraître
Une prière aux échos de la ville d'Ys

Rappelle-toi des pays de là-bas
Et l'or que nous avions pour rien dans nos bras
Nos maisons n'avaient même pas de portes
Et la foi nous n'en parlions pas tant tout était simplement là
Évidemment que je suis là et que je capote
Mais de capoter dans un monde à l'envers
C'est un peu d'apprendre à se remettre à l'endroit

Ma prière constate la déchéance même en moi
Mais elle donne semence à croire que même la haine
Même la haine au fond d'elle
Même la haine au fond d'elle-même
Même la haine au fond d'elle-même
Elle m'aime

Peut-être que je suis un craqué
Mais comme le dit mon ami le derviche conteur à sa manière:
Vive les craqués, car ils laissent passer la lumière

Prayer

Perhaps I'm crazy
Because even though I know I'm walking towards death
I know a deep chant rises within me
Listen, it rumbles and comes from the depths of my being
It's a prayer that I want to share here with you

But it's not from the Bible
Nor from the Quran or the Torah
But it's born from itself
It's soaked
In living bodies
Erratically
Free

A prayer
Which, without seeking to anchor at any price
A sense of the sacred in my mind
Tries to reverse
The insults I've uttered
Into pearly chakras
Consecrated to what I hold sacred
Sacred peace, once and for all
And no doubt

A prayer
Which ventures beyond all emotional calculation
A prayer that needs no motive
A prayer that needs no temple
Nor cathedral nor pyramid
Because it is friends with firs and yews

A prayer
Like a courage
A challenge to be naive
Naive in the carousel of importance
That we have given to gravity
Gravity, just look!

My prayer mulls over Rumi
Repeating to me: life is improv
Do your best to be your own prophet
Actually, it's easy to flee from Raël
To become professional doubters
Professionals testing the faith of others
Each apostle grabs what he can
It's good if you can catch something else
Than what everyone else wants

But if you feel so Confucian
Perhaps it's because you've forgotten Lao-Tzu
In the end, everyone has their own minaret in their heart
Whether it's Azan, vespers, the Upanishads, or a resounding gospel
It's always the same mantra that weaves itself in
Boom boom boom boom boom boom

A prayer
Smooth, which enters the interstices of being
Which makes the artificial, fanaticism, and the facades of appearances crumple
A prayer echoing from the city of Ys

Remember the countries over there
And the gold we had for nothing in our arms
Our homes didn't even have doors
And we didn't talk about faith so much, everything was simply there
Of course I'm here and I'm freaking out
But freaking out in an upside-down world
Is learning to put it right-side up again

My prayer acknowledges the decay even in me
But it sows the seed of believing that even hatred
Even hatred deep down
Even hatred deep down within itself
Even hatred deep down within itself
It loves me

Perhaps I'm crazy
But as my friend the dervish storyteller says in his own way:
Long live the crazies, because they let the light shine through