Paroles et traduction Maxime Le Forestier - Le fantôme - Live

Le fantôme - Live

Assis sur son croissant de lune,
Pierrot attend
Que quelqu'un lui rende sa plume.
Depuis le temps,
Depuis le temps qu'on la lui vole
Pour envoyer des petits mots,
Pierrot va prendre la parole.
Écoutez bien Pierrot.
Assis sur son croissant de lune
En spectateur,
Depuis sa luisante tribune
De nos malheurs,
Pierrot a tant de choses à dire
Que si vous ne vous dépêchez
De lui donner de quoi écrire,
Pierrot va se mettre à crier:
"J'étais vivant, Messieurs, Mesdames,
J'étais vivant
Quand je jouais les mélodrames
De pantomimes en mimodrames.
J'étais vivant,
Et si je taisais souvent,
C'est que l'amour est bien plus beau
Avec des mains qu'avec des mots.
Eh, regardez ce qu'on a fait de moi:
Un habitant béat de vos pays lunaires
Et qui, à force de se taire,
S'en va rêver tout seul.
Pourtant j'étais fils de révolte
Avec mes comédiens,
De Colombine désinvolte
En singe d'Arlequin,
La pièce n'est pas si gentille
Quand le valet
Vole la fortune et la fille
De celui qui le paie.
Tu as bien applaudi, merci
Tu t'es levé, tu es parti.
T'étais vivant, Messieurs, Mesdames,
T'étais vivant,
Quand tu venais aux mélodrames
De pantomime en mimodrames.
T'étais vivant
Et si tu payais pas souvent
Au moins, tu savais t'en aller
Quand le spectacle était mauvais.
Eh, tu as l'air de quoi dans ton fauteuil,
A écouter bêler ce gratteur de guitare?
Regarde-moi, et puis compare
Si tu as encore un œil.
A moi tous ceux qui me ressemblent,
Les valets, les piétons,
Timides, muets, ceux qui tremblent
Devant tous les bâtons,
C'était des coups de pied aux fesses,
Des cris de joies
Que j'espérais dans cette pièce
Que vous jouez en bas.
Quand le dénouement va venir
Je s'rai trop vieux pour applaudir.
Descends de ton croissant de lune
Juste une fois
Si tu ne veux pas pour des prunes
User ta voix.
Rester là-haut, c'est un peu comme
Si tu criais dans un désert.
Descends de là, si t'es un homme,
Te battre avec la terre.
Assis sur son croissant de lune,
Pierre répond:
"Moi qui ne suis un homme en aucune
De vos façons,
Moi qui suis fait de différences
Tantôt tout blanc, tantôt tout noir
J'arrive au pays des nuances
Tout est grisaille ici ce soir.
Avez-vous regardé d'abord
Le pays qui vous sert de piste.
Je n'ai jamais vu de décor
Si sinistre.
Quel est donc ce décorateur
Pour qui le sinistre est de mise
Et qui ne sait qu'une couleur:
La grise?
Quel est donc ce peintre maudit
Qui a dessiné sur la toile
La toile de fond de Paris
En y oubliant les étoiles?
Comme ton costume a changé!
Où sont les carreaux de ta veste?
Arlequin, ton masque est jeté,
Tu restes,
Sans ton chapeau, sans tes manies,
Tu restes le perdant qui gagne
Mais qui ne gagne que sa vie
Au bagne.
Comme ton allure a changé!
Plus de sauts, plus de cabrioles.
Tu vas au boulot résigné.
C'est ton auto qui te console.
Colombine, quel est l'auteur
Qui a pondu pour toi ce rôle
Ni gai, ni simple, ni charmeur
Ni drôle?
Depuis qu'un tas d'honnêteté
T'a prise avec lui en ménage,
Femme dans cette société
Tu nages.
Tu nages dans tes draps de lit,
Tu nages dans l'eau de vaisselle.
A tant te battre, tu oublies
Que de mon temps tu étais belle.
On ne te vole plus ton or,
Harpagon, Pantalon, Cassandre.
Il a bien grandi le trésor
A prendre
Et tu possèdes, maintenant
Que tu as pris goût aux affaires,
Les rois, les hommes, les enfants
La terre.
Comme on ne te reconnaît plus
Sous tes sociétes anonymes,
Jamais les coups de pied au cul
Ne peuvent trouver leur victime
Et toi tu joues, Messieurs, Mesdames,
Et toi tu joues
Ce lamentable mélodrame
De pantomime en mimodrame.
Et toi tu joues.
Es-tu sûr d'arriver au bout?
Sans t'apercevoir à la fin.
Que ce contrat ne valait rien
Eh, tu as l'air de quoi dans ton habit.
S'il suffisait d'avoir un peu de maquillage
Pour se changer cœur et visage,
Tu serais un gênie.
Tu sais, c'est pas écrit d'avance,
Juste un petit dessin.
Ça s'improvise, ça se danse,
Tu peux changer la fin.
Cesse de rabâcher ton texte,
Mauvais acteur.
Saute sur le premier prétexte
Si tu n'as pas trop peur.
De mon silence, enfin, je sors.
Écoute-moi, fais un effort.
Tu vas mourir, Messieurs, Mesdames,
Tu vas mourir
Pour terminer le mélodrame
De pantomime en mimodrame.
Tu vas mourir
Sans avoir jamais su sourire.
Le rideau tombe et demain soir
On te remplace et ça repart.
Va-t'en sur ton croissant de lune,
Pierrot bavard.
Tu vas déchaîner la rancune
Du désespoir.
Si t'es venu dire à la terre
Que cette vie mene au trépas,
Reste muet, reste lunaire.
On ne t'en voudra pas.
Assis sur son croissant de lune,
Pierrot s'en va.

The Ghost - Live

Seated on his crescent moon,
Pierrot waits
For someone to return his quill.
For so long,
For so long it's been stolen from him
To send little notes,
Pierrot will speak up.
Listen carefully to Pierrot.
Seated on his crescent moon
As a spectator,
From his shining platform
Of our misfortunes,
Pierrot has so much to say
That if you don't hurry
To give him something to write with,
Pierrot will start shouting:
"I was alive, ladies and gentlemen,
I was alive
When I played the melodramas
From pantomimes to mimodramas.
I was alive,
And if I often remained silent,
It's because love is much more beautiful
With hands than with words.
Hey, look what you've done to me:
A blissful inhabitant of your lunar landscapes
And who, by dint of silence,
Goes off to dream alone.
Yet I was a son of revolt
With my fellow actors,
With the casual Colombine
As Harlequin's monkey,
The play isn't so kind
When the valet
Steals the fortune and the girl
From the one who pays him.
You applauded well, thank you
You stood up, you left.
You were alive, ladies and gentlemen,
You were alive,
When you came to the melodramas
From pantomime to mimodramas.
You were alive
And if you didn't pay often
At least, you knew how to leave
When the show was bad.
Hey, what do you look like in your armchair,
Listening to this guitar strummer bleating?
Look at me, and then compare
If you still have an eye.
To me all those who resemble me,
The valets, the pedestrians,
The timid, the mute, those who tremble
Before all the sticks,
It was kicks in the ass,
Cries of joy
That I hoped for in this play
That you play below.
When the denouement comes
I'll be too old to applaud.
Come down from your crescent moon
Just once
If you don't want to waste your voice
For nothing.
Staying up there is a bit like
Screaming in a desert.
Come down from there, if you're a man,
Fight with the earth.
Seated on his crescent moon,
Pierre replies:
"Me who is not a man in any
Of your ways,
Me who is made of differences
Sometimes all white, sometimes all black
I arrive in the land of nuances
Everything is gray here tonight.
Have you looked first
At the country that serves as your track.
I've never seen a set
So sinister.
Who is this decorator
For whom the sinister is a must
And who knows only one color:
Gray?
Who is this cursed painter
Who drew on the canvas
The backdrop of Paris
Forgetting the stars?
How your costume has changed!
Where are the checks on your jacket?
Harlequin, your mask is thrown away,
You remain,
Without your hat, without your quirks,
You remain the loser who wins
But who wins only his life
In the prison.
How your gait has changed!
No more jumps, no more capers.
You go to work resigned.
It's your car that consoles you.
Colombine, who is the author
Who laid this role for you
Neither cheerful, nor simple, nor charming
Nor funny?
Since a heap of honesty
Took you with him in housekeeping,
Woman in this society
You swim.
You swim in your bed sheets,
You swim in dishwater.
By fighting so much, you forget
That in my time you were beautiful.
They no longer steal your gold,
Harpagon, Pantalone, Cassander.
The treasure has grown well
To take
And you own, now
That you have taken a liking to business,
The kings, the men, the children
The earth.
As we no longer recognize you
Under your anonymous companies,
Never the kicks in the ass
Can find their victim
And you play, ladies and gentlemen,
And you play
This pitiful melodrama
From pantomime to mimodrama.
And you play.
Are you sure you'll make it to the end?
Without realizing at the end.
That this contract was worthless
Hey, what do you look like in your suit.
If it was enough to have a little makeup
To change your heart and face,
You would be a genius.
You know, it's not written in advance,
Just a little drawing.
It's improvised, it's danced,
You can change the ending.
Stop repeating your text,
Bad actor.
Jump on the first excuse
If you're not too scared.
From my silence, finally, I emerge.
Listen to me, make an effort.
You will die, ladies and gentlemen,
You will die
To finish the melodrama
From pantomime to mimodrama.
You will die
Without ever knowing how to smile.
The curtain falls and tomorrow night
You are replaced and it starts again.
Go away on your crescent moon,
Chatty Pierrot.
You will unleash the resentment
Of despair.
If you came to tell the earth
That this life leads to death,
Remain silent, remain lunar.
We won't blame you.
Seated on his crescent moon,
Pierrot leaves.