Paroles et traduction Michel Bühler, Sarcloret & Gaspard Glaus - Dame Pauvreté

Dame Pauvreté

(On va faire une chanson qu'vous connaissez carrément pas
Pis nous non plus, pas beaucoup
C'est un texte qu'il a écrit en 40
Euh... y f'sait une chanson par semaine à la radio
Et des fois il était un peu à la bourre
Il prenait un... un vieux fond d'tiroir
C'est comme ça qu'il a ressorti Les Trois Cloches
Et euh... et des fois il... il écrivait quand même que'que chose
Et là il avait... mais il avait pas eu l'temps d'faire la musique
C'est une chanson qui s'appelle Dame Pauvreté
Alors il a dit à la radio
"Écoutez, y a des restrictions budgétaires
On n'a pas pu s'offrir la musique" et il a dit son texte
Et moi j'ai lu ce texte et je l'ai trouvé beau et euh
J'ose pas dire qu'ça fait vraiment une chanson de Gilles de plus
Mais... j'aimerais bien qu'on m'le dise)

Saint François sous le ciel d'Assise
Connut par un beau soir d'été
Toute pure en sa robe grise
La noble dame Pauvreté

L'un à l'autre toujours fidèles
Ils s'en furent main dans la main
Au bord des choses éternelles
En suivant les plus durs chemins

Nous, hélas, en un siècle avide
Sans amour et sans charité
Avons chassé de notre coeur vide
L'idée même de la pauvreté

Nous ne connaissions sur la Terre
Que deux maîtres tous deux puissants
Le premier s'appelait Misère
L'autre Richesse, hommes de sang

Face à face, l'oeil plein de haine
Sans cesse ils forgeaient à grands bruits
Ces armes, ces fléaux, ces chaînes
Qui nous ont plongés dans la nuit

Et nous, vautrés dans la matière
Tout abrutis par le confort
Phonos, baignoires, frigidaires
Ascenseurs, autos, coffres-forts

Magazines, journaux, romances
Cinémas, dancings et poker
Nous croupissions dans l'abondance
À moitié bouffés par les vers

Nous pouvons déchanter ma belle
Finie la foire aux voluptés
Tout est passé à la poubelle
Il faut rebâtir la cité

C'est bientôt la fin du voyage
Tout au bout de la satiété
Bel arc-en-ciel après l'orage
Voici la sainte Pauvreté

Elle nous dit, blasée, funèbre
"C'est l'absence et la privation
Qui vous rendront dans vos ténèbres
Ce soleil, l'imagination

L'argent ne sera plus le maître
Je verserai, moi, Pauvreté
Dans votre âme qui va renaître
L'ivresse de la liberté"

Quand la mort frappe à notre porte
Que sont les honneurs et l'argent?
Ô riche, quand ton âme est morte
Envie alors les pauvres gens

Car pauvreté n'est pas misère
Elle est sagesse et dignité
Et sur les trésors qu'elle préfère
Vous pourrez mieux vous appuyer

Adieu donc, ô triste cohorte
Des parvenus morts en sursis
Politicards, richards, cloportes
Gens en place, coeurs endurcis

Tout en vous serrant la ceinture
Vous vous demandez, stupéfaits
Au bout de la folle aventure
De quoi demain sera-t-il fait?

Que sont les vrais trésors du sage
Que vous offre la pauvreté?
Demain sera fait de courage
D'espérance et de charité

Demain sera fait de courage
D'espérance et de charité
Ce sont les vrais trésors du sage
Les cadeaux de la pauvreté

Lady Poverty

(We're going to do a song you don't know at all,
And neither do we, not much.
It's a text he wrote in '40.
Uh... he did a song a week on the radio.
And sometimes he was a bit late.
He'd take an... an old bottom drawer.
That's how he brought back "Les Trois Cloches".
And uh... and sometimes he... he'd still write something.
And there he had... but he hadn't had time to do the music.
It's a song called "Lady Poverty".
So he said on the radio,
"Listen, there are budget restrictions,
We couldn't afford the music," and he recited his text.
And I read this text and I found it beautiful and uh...
I dare not say it really makes one more Gilles song,
But... I'd like to be told so.)

Saint Francis under the sky of Assisi,
Met one beautiful summer evening,
All pure in her gray dress,
The noble Lady Poverty.

Always faithful to each other,
They went hand in hand,
To the edge of eternal things,
Following the hardest paths.

We, alas, in a greedy century,
Without love and without charity,
Have chased from our empty hearts,
The very idea of poverty.

We knew on Earth,
Only two masters, both powerful,
The first was called Misery,
The other Wealth, men of blood.

Face to face, eyes full of hate,
They constantly forged with great noise,
These weapons, these scourges, these chains,
Which have plunged us into the night.

And we, wallowing in material things,
Completely dulled by comfort,
Phones, bathtubs, refrigerators,
Elevators, cars, safes,

Magazines, newspapers, romances,
Cinemas, dance halls and poker,
We festered in abundance,
Half eaten by worms.

We can disillusion ourselves, my dear,
The fair of pleasures is over,
Everything has gone to the trash,
We must rebuild the city.

It's almost the end of the journey,
At the end of satiety,
Beautiful rainbow after the storm,
Here is holy Poverty.

She tells us, jaded, funereal,
"It is absence and deprivation
That will restore to your darkness
This sun, the imagination.

Money will no longer be the master,
I, Poverty, will pour
Into your soul that will be reborn,
The intoxication of freedom."

When death knocks at our door,
What are honors and money?
O rich man, when your soul is dead,
Envy the poor then.

For poverty is not misery,
It is wisdom and dignity,
And on the treasures it prefers,
You can better rely.

Farewell then, O sad cohort
Of the upstarts, living on borrowed time,
Politicians, rich men, woodlice,
People in high places, hardened hearts.

While tightening your belts,
You wonder, stunned,
At the end of the mad adventure,
What will tomorrow be made of?

What are the true treasures of the wise man
That poverty offers you?
Tomorrow will be made of courage,
Hope and charity.

Tomorrow will be made of courage,
Hope and charity.
These are the true treasures of the wise man,
The gifts of poverty.