Paroles et traduction Richard Desjardins - La maison est ouverte

La maison est ouverte

Prends le sentier derrière
Les jalousies des villageois.
Le vent d'une seule main
Y secoue la forêt.
À la montagne, mets des ailes.
Au mur, pense à elle.
Le diable fera claquer ses doigts
Et quand tu entendras le hurlement
Du loup tranchant la gorge du chien,
Tu verras alors les étoiles précises
Des feux sur l'autre rive.
La lune arrêtera sa course.
C'est le signal. Traverse.
La voie est libre comme toi.
Je t'envoie l'escorte de vierges.
Le mot de passe:
"Né pour aimer."

Ils versent un pauvre miel
Sur leurs mots pourris.
Ils te parlent de pénurie
Et sur ta faim, sur tes amis,
Ils aiguisent leur appétit.

Leur haleine brûle l'air
Comme la chaux
Sur le pain.

La beauté que tu oses,
Ils la saluent encore
D'un grognement de porc
Fouillant dans l'auge.
Ils ont raison
Comme des cadavres
Et la vie les a coulés.

Ils ont tout
Mais ne sont
Que le ciment du havre.

Toi qui marches sur les tessons
Du concret,
Viens boire cette bouteille
Pleine de clarté,
Coulant comme un secret
Sur les lèvres des amants.
Sous l'aile du huard
Le lac a calé.
C'est le moment.

Ce que tu trouves,
Tu le gardes pour toi.
Ce qui n'est pas donné est perdu.
N'entends-tu pas battre ton coeur
Dans le sourd tambour de la terre?

Nous sommes les bêtes noires de l'ennui.
C'est toi mon pain béni.
Nous sommes la prairie,
Le feu, le vent.
Nous sommes vivants.

Il est temps d'apaiser
Cette fleur de la peur
Qu'on appelle le monde.
Nous sommes cueilleurs,
Le fruit est la loi.
C'est nous le roi
Et tout est là.

Le reste meurt ailleurs
Au fond de voûtes carsidérales.

Un chant millénaire monte dans l'air.
La lampe, le lit, la nuit t'attendent.
Viens voir jusqu'où
Le ciel peut couler
Quand la terre est une offrande.

Et sur la nappe de toile
Tendue comme une voile,
Un navire de paix.

La maison est ouverte.
Les femmes-corsaires
Ont mis le feu
Aux galères de la nuit,
L'armateur aux enfers,
Le capitaine aux fers.
J'éteins le phare,
La fanfare dort.
On peut parler.

The House is Open

Take the path behind
The villagers' jealous eyes.
The wind with a single hand
Shakes the forest there.
To the mountain, take flight.
On the wall, think of her.
The devil will snap his fingers
And when you hear the howl
Of the wolf slicing the dog's throat,
You will then see the precise stars
Of fires on the other shore.
The moon will stop its course.
That's the signal. Cross over.
The way is free like you.
I send you the escort of virgins.
The password:
"Born to love."

They pour a poor honey
On their rotten words.
They speak to you of scarcity
And on your hunger, on your friends,
They sharpen their appetite.

Their breath burns the air
Like lime
On bread.

The beauty that you dare,
They still greet it
With a pig's grunt
Rummaging in the trough.
They are right
Like corpses
And life has sunk them.

They have everything
But are
Only the cement of the harbor.

You who walk on the shards
Of concrete,
Come drink this bottle
Full of clarity,
Flowing like a secret
On the lips of lovers.
Under the wing of the loon
The lake has calmed.
It's the moment.

What you find,
You keep it for yourself.
What is not given is lost.
Don't you hear your heart beating
In the deaf drum of the earth?

We are the black beasts of boredom.
You are my blessed bread.
We are the prairie,
The fire, the wind.
We are alive.

It is time to appease
This flower of fear
That we call the world.
We are gatherers,
The fruit is the law.
We are the king
And everything is here.

The rest dies elsewhere
At the bottom of cathedral vaults.

A millennial song rises in the air.
The lamp, the bed, the night await you.
Come see how far
The sky can flow
When the earth is an offering.

And on the canvas tablecloth
Stretched like a sail,
A ship of peace.

The house is open.
The women-corsairs
Have set fire
To the galleys of the night,
The shipowner to hell,
The captain in chains.
I turn off the lighthouse,
The fanfare sleeps.
We can talk.