Текст и перевод песни Médine - Enfant du destin - Yasser

Enfant du destin - Yasser

Le bateau fait que de caler, sur les plages du Pas-de-Calais
Et le passeur m'a calé entre les cordes et les seaux de galets
Le zodiac fait que de tanguer, ça va finir à la pagaie
L'hélice du moteur Yamaha s'est prise dans un paquet d'filets
2-3 kilos euros c'est le prix de la classe éco
Dans les eaux internationales à quelques nautiques des côtes
Le mercure indique -7, ressenti: -30
Son prénom c'est Yasser, ça fait 2 ans qu'il a quitté l'Soudan
Il a quitté le régime, pour échapper à la vie chère
Fui sa terre d'origine pour enfin retrouver ce qu'il cherche
Un toit, une femme, un taff, rien qu'une life un peu plus stable
Un peu d'estime de soi, pas qu'un immigrant, un sans-paperasse

Parti de Khartoum, sans une cartouche en poche
J'cours après les semi-remorques
Pour me planquer sous les pare-chocs
Les secousses de la route me cognent
Mon bras sur le garde-boue frotte
Faut que je passe les postes-frontière
Les check-points et les gardes côtes
L'année dernière, j'ai vu mon reuf mourir, sous un 33 tonnes
Un General Motors avec un chargement rempli de pétrole
On est prêt à risquer la mort juste pour regagner l'Europe
Car ne rien risquer est un risque encore plus grand, m'a dit mon reup
J'arrive au Maghreb, un marocain m'agresse
Je m'adresse à lui en littéraire, il me répond dans son dialecte
Sans sous-titrage j'ai tout compris, à l'intonation qu'il a prise
J'ai bien entendu le mot "esclave", c'est le même mot qu'on utilise
À 17 piges, je suis trop naïf, j'croyais que les natifs de l'Afrique
Étaient tous de la même famille, étaient tous des frères de famine
Faut que j'donne toutes mes économies
À ce passeur aux propos racistes
Faut pas que je perde mes objectifs
Mais faut que j'obtienne le droit d'asile

Ils m'offrent une place en première classe
D'un chalutier espagnol pour la première plage
Comme une promesse faite sur le sable
À peine écrite que déjà la mer l'efface
J'vais là-bas, où pour boire j'ai pas l'âge légal
Mais l'âge de mourir en buvant la tasse
J'reprends des forces, je m'assoupis
J'entends le commandant de bord crier "Guardia Civil"

J'plonge dans la Méditerranée
Pour éviter le contrôle frontalier
C'est la côte que je vais rallier
Nage en natation-synchronisée
En deux temps trois mouvements
J'accoste, cours vers le mur de barbelés
J'fais de l'alpinisme sans corde
Sur les grillages gris métallisés
Tout est rouillé de haut en bas
Si j'meurs pas j'ai le tétanos
Tout est verrouillé à la base
On m'appelle déjà "clandestino"
J'me lâche d'une hauteur de 3 mètres
Pour courir vers les trains de fret
J'entends derrière moi les gunshots
Tout en pénétrant l'espace Schengen

Dans un Wagon de marchandises
Croiser les policiers, j'crois c'est ma hantise
J'ai fait les routes, les mers, maintenant je fais les chemins d'fer
Il va manquer les airs ou de faire la route en cheval de ferme
Entre les fruits à coque et les "naranja"
J'voyage sûrement avec un peu de marijuana
J'sais pas qui est le plus illégal, si c'est moi ou le cannabis
J'sais pas ce qui est le plus inégal, leurs lois ou leurs carabines

Deux nuits de suite à voyager, sans avoir acheté de billet
J'entends les malinois aboyer et les talky-walky des douaniers
Ça parle un francais en argot, accent à couper au couteau
Comme dans le film de Dany Boon, que j'avais regardé en V.O.
Moi j'ai fait l'école anglophone
Pour ça que je veux rejoindre London
Dans la City, j'veux juste un job
Même sortir les poubelles de leurs clubs
Pour le moment, je suis en attente
Coincé à Calais dans camps de tentes
J'suis là pour retenter ma chance, jusqu'aux Portes de la Manche

Tous les jours, un jour sans fin, j'embarque à bord d'une épave
Et je repaye le tarif plein, pour pouvoir traverser les vagues
Cette fois-ci, c'est pour de bon, m'a dit le trafiquant d'humains
Si tu crèves dans le grand bain, t'façon lui il s'en lave les mains
C'est pas pire en fin de compte, que les deux gouvernements
Que l'England ou bien la France qui se renvoient tous les migrants
Pas pire que les hommes en bleu qui éventrent les toiles des tentes
T'façon leurs histoires d'accueil
Leurs droits d'asile c'est que pour les blancs

Une trentaine de fuyards, à bord d'un canot nautique
Des enfants et même des femmes, avec tous de bons motifs
Sans aucun gilet de sauvetage, même pas pour les plus petits
On est tous qu'à quelques miles de la côte sud-est britannique
Va falloir que ça se termine, on frôle l'hypothermie
La météo est terrible, on y voit clair que par intérim
Je vois plus l'avant du navire, si y'a les gendarmes maritimes
Ce qui devait arriver, arriva, toute l'embarcation qui chavire

Percuté à tribord par un cargo porte-conteneur
Les enfants pleurent
Les mamans crient et n'arrivent plus à se contenir
J'appelle au phone les gardes-côte qui se contredisent
Disent que c'est de la faute des autres
Qu'on navigue dans les eaux british
Au pays du fish and chips, je voulais travailler comme plongeur
J'vais mourir plongeur sous-marin entre la manche et la mer du nord
Jusqu'au littoral nord je tente de nager littéralement
J'croise un chimiquier allemand
Qui doit me prendre pour un banc de merlans

Mais mes jeunes poumons d'ado se remplissent d'eau salée
Je sens mon pouls se ralentir, alors je me laisse aller
Mon corps dans les profondeurs, emporté par son poids mort
Dans les eaux poissonneuses où l'on entend plus battre les coeurs

Yasser fut repêché, dans le Port de Calais
Et une trentaine de corps exhumés d'un cimetière bleuté

Enfant du destin, enfant de la guerre.
Soudanais, Érythréens, Yéménites
Kurdes, Afghans, Irakiens, Syriens.

Child of Destiny - Yasser

The boat keeps stalling, on the beaches of Pas-de-Calais
And the smuggler crammed me in between the ropes and buckets of pebbles
The zodiac keeps lurching, it's going to end up being rowed
The propeller of the Yamaha engine got caught in a bunch of nets
A couple kilos in euros, that's the price of economy class
In international waters, a few nautical miles from the coast
The mercury reads -7, feels like: -30
His name is Yasser, it's been 2 years since he left Sudan
He left the regime, to escape the high cost of living
Fled his homeland to finally find what he's looking for
A roof, a woman, a job, just a slightly more stable life
A little self-esteem, not just an immigrant, a paperless person

Left Khartoum, without a cartridge in my pocket
I run after the semi-trailers
To hide under the bumpers
The bumps in the road are hitting me
My arm is rubbing on the fender
I have to get past the border posts
The checkpoints and coast guards
Last year, I saw my brother die under a 33-ton truck
A General Motors with a load full of oil
We are ready to risk death just to return to Europe
Because risking nothing is an even greater risk, my brother told me
I arrive in the Maghreb, a Moroccan attacks me
I address him in literary Arabic, he answers me in his dialect
Without subtitles, I understood everything, by the tone he took
I clearly heard the word "slave," it's the same word we use
At 17 years old, I am too naive, I thought that the natives of Africa
Were all from the same family, were all brothers of famine
I have to give all my savings
To this smuggler with racist remarks
I must not lose sight of my goals
But I have to get asylum

They offer me a first-class seat
On a Spanish trawler for the first beach
Like a promise made on the sand
Barely written before the sea erases it
I'm going down there, where I'm not old enough to drink
But old enough to die by drowning
I regain my strength, I doze off
I hear the captain shout "Guardia Civil"

I dive into the Mediterranean
To avoid border control
That's the coast I'm going to reach
Swimming in synchronized swimming
In two shakes of a lamb's tail
I dock, run towards the barbed wire wall
I'm climbing without ropes
On the metallic grey fences
Everything is rusted from top to bottom
If I don't die, I'll get tetanus
Everything is locked up at the base
They already call me "clandestino"
I let go from a height of 3 meters
To run towards the freight trains
I hear gunshots behind me
While entering the Schengen area

In a freight car
Running into the police, I think that's my biggest fear
I've done the roads, the seas, now I'm doing the railways
All that's left is the air or doing the route on a farm horse
Between nuts and "naranjas"
I'm probably traveling with some marijuana
I don't know who's more illegal, me or the cannabis
I don't know what's more unequal, their laws or their rifles

Two nights in a row traveling, without having bought a ticket
I hear the Malinois barking and the customs officers' walkie-talkies
Someone's speaking French in slang, with a thick accent
Like in the Dany Boon movie I watched in the original version
I went to an English-speaking school
That's why I want to go to London
In the City, I just want a job
Even taking out the trash from their clubs
For now, I'm waiting
Stuck in Calais in a tent camp
I'm here to try my luck again, all the way to the English Channel

Every day, a day without end, I board a wreck
And I pay the full fare, to be able to cross the waves
This time, it's for good, the human trafficker told me
If you kick the bucket in the deep end, he'll wash his hands of it anyway
It's no worse, after all, than the two governments
England or France, who send all the migrants back
No worse than the men in blue who rip open the tent canvases
Anyway, their stories of welcoming
Their asylum rights are only for white people

About thirty fugitives, aboard a nautical dinghy
Children and even women, all with good reason
Without any life jackets, not even for the youngest ones
We are only a few miles from the southeast British coast
This has got to end, we're on the verge of hypothermia
The weather is terrible, we can only see clearly intermittently
I can't see the front of the boat anymore, if the coast guard is there
What was bound to happen, happened, the whole boat capsized

Hit on the starboard side by a container ship
The children are crying
The mothers scream and can't contain themselves anymore
I call the coast guard on the phone, who are contradicting themselves
Saying it's the other side's fault
That we are sailing in British waters
In the land of fish and chips, I wanted to work as a diver
I'm going to die a scuba diver between the English Channel and the North Sea
I try to swim literally to the north coast
I come across a German chemical tanker
Which must mistake me for a school of whiting

But my young teenage lungs are filling with salt water
I feel my pulse slowing down, so I let myself go
My body in the depths, carried away by its dead weight
In the fishy waters where you can no longer hear hearts beating

Yasser was fished out in the Port of Calais
And thirty bodies exhumed from a blue cemetery

Child of destiny, child of war.
Sudanese, Eritreans, Yemenis
Kurds, Afghans, Iraqis, Syrians.