paroles de chanson Plume D'Ange - Claude Nougaro
Vous
voyez
cette
plume?
Eh
bien,
c'est
une
plume,
c'est
une
plume
d'ange
Oh,
rassurez-vous,
je
ne
vous
demande
pas
de
me
croire
Je
ne
vous
le
demande
plus
Pourtant,
écoutez
encore
une
fois,
une
dernière
fois,
mon
histoire
Une
nuit,
je
faisais
un
rêve
désopilant
Quand
je
fus
réveillé
par
un
frisson
de
l'air
J'ouvre
les
yeux,
que
vois-je?
Dans
l'obscurité
de
ma
chambre,
des
myriades
d'étincelles
Elles
s'en
allaient
rejoindre,
par
tourbillonnements
magnétiques
Un
point
situé
devant
mon
lit
Rapidement,
de
l'accumulation
de
ces
flocons
aimantés
phosphorescents
Un
corps
se
constituait
Quand
les
derniers
flocons
eurent
terminé
leur
course
Un
ange
était
là,
devant
moi
Un
ange
réglementaire
avec
ses
grandes
ailes
de
lait
Comme
une
flèche
d'un
carquois,
de
son
épaule
il
tire
une
plume
Il
me
la
tend
et
il
me
dit
"C'est
une
plume
d'ange,
je
te
la
donne,
montre-la
autour
de
toi
Qu'un
seul
humain
te
croie
Et
ce
monde
malheureux
s'ouvrira
au
monde
de
la
joie
Qu'un
seul
humain
te
croie
avec
ta
plume
d'ange
Adieu
et
souviens-toi,
la
foi
est
plus
belle
que
Dieu"
Et
l'ange
disparut,
laissant
la
plume
entre
mes
doigts
Dans
le
noir,
je
restais
longtemps,
illuminé,
grelottant
d'extase
Lissant
la
plume,
la
respirant
En
ce
temps-là
Je
vivais
pour
les
seins
somptueux
d'une
passion
néfaste
J'allume,
je
la
réveille
"Mon
amour,
mon
amour,
regarde,
regarde
cette
plume
C'est
une
plume
d'ange,
oui,
un
ange
était
là,
il
vient
de
m'la
donner
Oh,
ma
chérie,
tu
me
sais
incapable
de
mensonge,
hein
De
plaisanterie
scabreuse
Mon
amour,
mon
amour,
il
faut
que
tu
me
croies
Et
tu
vas
voir
le
monde"
La
belle,
le
visage
obscurci
de
cheveux,
d'araignées
de
sommeil
Me
répondit
"fous-moi
la
paix
Je
voudrais
dormir
et
cesse
de
fumer
ton
satané
Népal"
Elle
me
tourne
le
dos
et
merde
Au
petit
matin
Parmi
les
nègres
des
poubelles
et
les
premiers
pigeons
Je
filais
chez
mon
ami
le
plus
sûr
Je
montrai
ma
plume
à
l'Afrique,
aux
poubelles,
et
bien
sûr
Aux
pigeons
qui
me
firent
des
roues
Des
roucoulements
de
considération
admirative,
ahahah
Je
sonne
Voici
mon
ami
André
Posément,
avec
précision,
je
vidais
mon
sac
biblique
Mon
oreiller
céleste
"Tu
m'entends
bien,
André,
qu'on
me
prenne
au
sérieux
Et
l'humanité
tout
entière
s'arrache
de
son
orbite
de
malédiction
Guerroyante
et
funeste,
à
dégager,
finies
la
souffrance,
la
sottise
La
joie,
la
lumière
débarquent"
André
se
massait
pensivement
la
tempe
Il
me
fit
un
sourire
ému
M'entraîna
dans
la
cuisine
Et
devant
un
café,
m'expliqua
que,
moi,
sensible
Moi,
enclin
au
mysticisme
sauvage
Moi,
devais
reconsidérer
cette
apparition
Le
repos,
l'air
de
la
campagne
Avec
les
oiseaux
précisément,
les
vrais
Je
me
retrouvais
dans
la
rue
grondante
Tenaillant
la
plume
dans
ma
poche
Que
dire?
Que
faire?
"Monsieur
l'agent,
regardez,
c'est
une
plume
d'ange"
Héhé,
il
me
croit
Aussitôt
les
tonitruants
troupeaux
de
bagnoles
Déjà
hargneuses
s'aplatissent
Des
hommes
radieux
en
sortent
Auréolés
de
leurs
volants
et
s'embrassent
en
sanglotant
Soyons
sérieux
Je
marchais,
je
marchais,
dévorant
les
visages
Celui-ci?
La
petite
dame?
Et
soudain,
évidente,
éclatante,
l'idée
m'envahit
Abandonnons
les
hommes,
adressons-nous
aux
enfants
Eux
seuls
savent
que
la
foi
est
plus
belle
que
Dieu
Les
enfants,
les
enfants,
oui,
oui,
mais
lequel?
Je
marchais
toujours,
je
marchais
encore
Je
n'regardais
plus
la
gueule
des
passants
hagards
mais
En
moi,
des
guirlandes
de
visages
d'enfants
Mes
chéris,
mes
féeriques,
mes
crédules
me
souriaient
Je
marchais,
je
volais,
le
vent
de
mes
pas
feuilletait
Paris
Pages
de
pierres,
de
bitume,
de
pavés
maintenant
Ceux
de
la
rue
Saint-Vincent,
les
escaliers
de
Montmartre
Je
monte,
je
descends
Et
je
me
fige
devant
une
école,
rue
du
Mont-Cenis
Quelques
femmes
attendaient
la
sortie
des
gosses
Faussement
paternel,
j'attends,
moi
aussi
Les
voilà
Ils
débouchent
de
la
maternelle
par
fraîches
bouffées
Par
bouillonnements
bariolés
Mon
regard
papillonne
de
frimousses
en
minois,
quêtant
une
révélation
Sur
le
seuil
de
l'école,
une
petite
fille
s'est
arrêtée
Dans
la
vive
lumière
d'avril,
elle
cligne
ses
petits
yeux
de
jais
Un
peu
bridés,
un
peu
chinois,
et
se
les
frotte
vigoureusement
Puis
elle
reprend
son
cartable
orange
Tout
rebondi
de
mathématiques
modernes
Alors
j'ai
suivi
la
boule
brune
et
bouclée
de
sa
tête
Gravissant
derrière
elle
les
escaliers
de
la
butte
À
quelque
cent
mètres,
elle
pénétra
dans
un
immeuble
Longtemps,
je
suis
resté
là
Me
caressant
les
dents
avec
le
bec
de
ma
plume
Le
lendemain,
je
revins
à
la
sortie
de
l'école
Et
le
surlendemain
et
les
jours
qui
suivirent
Elle
s'appelait
Fanny,
mais
je
ne
me
décidais
pas
à
l'aborder
Et
si
je
lui
faisais
peur
avec
ma
bouche
sèche
Ma
sueur
sacrée,
ma
pâleur
mortelle,
vitale?
Alors,
qu'est-ce
que
je
fais?
Je
me
tue?
Je
l'avale,
ma
plume?
Je
la
plante
dans
le
cul
somptueux
de
ma
passion
néfaste?
Et
puis
un
jeudi,
je
me
suis
dit
je
lui
dis
Les
poumons
du
printemps
Exhalaient
leur
première
haleine
de
peste
paradisiaque
J'ai
précipité
mon
pas,
j'ai
tendu
ma
main
vers
la
tête
frisée
Au
moment
où
j'allais
l'atteindre,
sur
ma
propre
épaule
Une
pesante
main
s'est
abattue
Je
me
retourne
Ils
étaient
deux,
ils
empestaient
le
barreau
"Suivez-nous"
Commissariat
Vous
les
connaissez
un
peu
les
commissariats?
Les
flics
qui
tapent
le
carton
dans
de
la
gauloise,
du
sandwich
Une
couche
de
tabac,
une
couche
de
passage
à
tabac
Le
commissaire
était
bon
enfant
Y
roulait
pas
les
mécaniques,
que
les
R
"Asseyez-vous,
hé,
il
me
semble
déjà
vous
avoir
vu
quelque
part,
vous
Alors
comme
ça,
on
suit
les
petites
filles?"
"Quitte
à
passer
pour
un
détraqué,
je
vais
vous
expliquer,
monsieur
La
véritable
raison
qui
m'a
fait
m'approcher
de
cette
enfant"
Je
sors
ma
plume
et
j'y
vais
de
mon
couplet
nocturne
et
miraculeux
Fanny,
j'en
suis
certain,
m'aurait
cru
Les
assassins,
les
polices
Notre
séculaire
tennis
de
coups
durs,
tout
ça,
c'était
fini,
envolé
"Voyons
l'objet",
me
dit
le
commissaire
D'entre
mes
doigts
tremblants,
il
saisit
la
plume
sainte
Et
la
fait
techniquement
rouler
devant
un
sourcil
bonhomme
"C'est
de
l'oie,
ça"
me
dit-il,
"c'est
pas
de
la
colombe
en
tout
cas
Ça
y
est,
j'ai
trouvé
Vous
ressemblez
étonnamment
à
l'inspecteur
Columbo"
"Monsieur,
ce
n'est
pas
de
l'oie,
c'est
de
l'ange,
vous
dis-je"
"Calmez-vous,
calmez-vous
Mais
vous
avouerez
tout
de
même
qu'une
telle
affirmation
Exige
d'être
appuyée
par
un
minimum
d'enquête,
à
défaut
de
preuve
Enfin,
écoutez,
vous
allez
patienter
un
instant
On
va
s'occuper
de
vous,
gentiment
hein?
Gentiment"
On
s'est
occupé
de
moi,
gentiment
Entre
deux
électrochocs
Je
me
balade
dans
le
parc
de
la
clinique
psychiatrique
Où
l'on
m'héberge
depuis
un
mois
Parmi
les
divers
siphonnés
qui
s'ébattent
Ou
s'abattent
sur
les
aimables
gazons
Il
est
un
être
qui
me
fascine
C'est
un
vieil
homme
Très
beau
Il
se
tient
toujours
immobile
dans
une
allée
du
parc
Devant
un
cèdre
du
Liban
Parfois,
il
étend
lentement
les
bras
Et
semble
psalmodier
un
texte
secret,
sacré
Ah,
j'ai
fini
par
m'approcher
de
lui,
par
lui
adresser
la
parole
Aujourd'hui,
nous
sommes
amis
C'est
un
type
surprenant,
un
savant,
un
poète
Vous
dire
qu'il
sait
tout,
a
tout
connu
Compris,
appris,
senti,
perçu,
percé
C'est
peu
dire
De
sa
barbe
massive,
un
peu
verte
Aux
poils
épais
et
tordus,
le
verbe
sort,
calme
et
fruité
Abreuvant
un
récit
où
toutes
les
mystiques,
les
musiques
Les
philosophies,
les
sciences
humaines,
les
ésotérismes
s'unissent
Se
rassemblent
pour
se
ressembler
dans
le
puits
étoilé
de
sa
mémoire
Dans
ce
puits
de
jouvence
intellectuelle,
sot,
je
descends
Seau
débordant
de
l'eau
fraîche
et
limpide
de
l'intelligence
Alliée
à
l'amour,
je
remonte
Parfois
il
se
tait
et
me
contemple
en
souriant
Des
plis
de
sa
robe
de
bure,
il
sort
des
noix
De
grosses
noix
qu'il
brise
d'un
seul
coup
dans
sa
paume,
crac
Pour
me
les
offrir
Un
jour
où
il
me
parle
d'ornithologie
comparée
Entre
Olivier
Messiaen
et
Charlie
Parker
Je
n'l'écoute
plus,
un
grand
silence
se
fait
en
moi
Mais
cet
homme
dont
l'ange
t'a
parlé
Cet
humain
qui
peut
croire
à
ta
plume,
cet
humain
introuvable
Eh
bien,
oui,
c'est
lui,
il
est
là,
devant
toi
Sans
hésiter,
je
sors
ma
plume
Les
yeux
mordorés
lancent
une
étincelle
Il
examine
la
plume
avec
une
acuité
Qui
me
fait
frémir
de
la
tête
aux
pieds
"Quel
magnifique
spécimen
de
plume
d'ange,
vous
avez
là,
ami"
"Alors,
vous
me
croyez?
Vous
le
savez?"
"Parbleu,
je
vous
crois,
le
tuyau
légèrement
cannelé
La
nacrure
des
bardes,
on
ne
peut
s'y
méprendre
Je
puis
même
ajouter
qu'il
s'agit
d'une
penne
d'angélus
maliciosus"
"Mais
alors,
puisqu'il
est
dit
qu'un
homme
me
croyant
Le
monde
est
sauvé"
"Je
vous
arrête,
ami,
je
ne
suis
pas
un
homme"
"Vous
n'êtes
pas
un
homme?"
"Nullement,
je
suis
un
noyer"
"Vous
vous
êtes
noyé?"
"Non,
je
suis
un
noyer,
l'arbre,
je
suis
un
arbre"
Il
y
eut
un
frisson
de
l'air
Se
détachant
de
la
cime
du
grand
cèdre
Un
oiseau
est
venu
se
poser
sur
l'épaule
du
vieillard
Et
je
crus
reconnaître,
miniaturisé
L'ange
malicieux
qui
m'avait
visité
Tous
les
trois,
l'oiseau,
le
vieillard
et
moi
Nous
avons
ri,
nous
avons
bien
ri
Nous
avons
ri
longtemps,
longtemps
Le
fou
rire,
quoi,
le
fou
rire
1 Le Rouge Et Le Noir
2 Ça Tourne
3 Tchin Chine
4 Art Mineur
5 C'Est Une Garonne
6 Paris mai
7 Le Coq Et La Pendule
8 Le Gardien De Phare
9 À bout de souffle
10 Sing Sing Song
11 Prisonnier Des Nuages
12 Armstrong
13 Les points
14 Facon Chaplin
15 Daligala
16 A Tes Seins
17 Le jazz et la java
18 Le Chat
19 L'Irlandaise
20 Vie Violence
21 Quatre boules de cuir
22 Harlem
23 Nougayork
24 Toulouse
25 Plume D'Ange
26 Île de Ré
27 Bidonville
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