Paroles et traduction Juliette - La belle abbesse (Live salle Gaveau, Paris / 1997)

La belle abbesse (Live salle Gaveau, Paris / 1997)

Ben quoi vous n'avez donc jamais rien vu,
Ou c'est-il que vous me reluquez le corsage?
Allez, les manants, laissez-moi le passage
Et pour la bagatelle on est de la revue.
Je les sens vos regards plantés dans mon dos,
Mais moi de ce quartier je suis aborigène.
Ça me donne bien le droit d'avoir mon sans-gêne,
Ça me donne bien le droit le droit d'être un rien crado.
C'est vrai ce matin je me suis même pas lavée.
Je me suis juste remis un peu de bleu et de rose,
Juste pour maquiller quelques ecchymoses
Que la nuit dernière un salaud m'a gravées.
Je me suis pas brossé les chicots non plus.

Tiens pour faire comme si redonne-moi une bière.
Qu'est-ce que vous dites vous là-bas la rombière?
Reculez-vous si vous trouvez que je pue.

Parce qu'il faudrait pas croire
Que parce que vous me voyez,
Accoudée là et sans adresse
Avec tout mon foutoir
Débordant de mes paniers,
Que je ne suis rien qu'une drôlesse
Nageant dans sa bière et sa graisse,
Une simple épave des bas-quartiers.
Non messieurs vous devez saluer
L'impératrice,
L'archiduchesse,
La belle-en-cuisse,
La belle abbesse,
Celle qui passe comme une déesse,
Provocatrice,
Enchanteresse,
Et qui crache sur votre pitié.

Encore un petit dernier et puis salut.
Il faut que je reparte vers ces rues en pente
Que depuis toujours j'inspecte et j'arpente
Comme si j'y cherchais un trésor perdu.
Mais y a pas de trésor y a que de la chiennerie,
Des rentiers hargneux et des vilains mômes
Qui se foutent de ma gueule bouffie d'hématomes
Et des accrocs béants dans ma lingerie.
La nuit je suis divine au rouge des néons,
Fraîche comme les oeillets chourés au cimetière
Que je revends pour le prix d'une rasade de bière
Aux travestis de la rue Germain-Pilon.
La nuit c'est là qu'il y a de foutues clartés
Quand un jeune clodo me prends pour une pute,
Ferme les yeux, m'enlace, enfin me culbute
Et me laisse heureuse et jambes écartées.

Qui t'es toi d'abord qui se dit mon ami,
Un voyeur ou bien un de ces ethnologues
Qui voudrait me fourrer dans son catalogue.
Ben je vais peut-être te répondre: j'ai besoin d'un demi?
C'était y a longtemps... Et puis non je sais plus.
Je préfère la fermer, rester illusoire,
N'être qu'une légende des plus provisoires,
Un tag effacé dès qu'il aura plu,
Une honte qui passe un cauchemar vécu,
Une tête de guignol battant la breloque,
Un épouvantail que le vent déloque,
Un instant montrant son coeur et son cul.

The Beautiful Abbess (Live at the Gaveau Concert Hall, Paris / 1997)

What, you've never seen anything like it,
Or is it just that you're trying to peek down my bodice?
Come on, you hicks, let me through,
And come on, my dears, we're off to the show.
I can feel your eyes on the back of my neck,
But I'm a native of this part of town.
That gives me the right to be shameless,
That gives me the right to be a bit dirty.
Yes, that's right, I didn't even wash this morning.
I just put on a bit of blue and pink,
Just to cover up the bruises
That some bastard gave me last night.
I didn't brush my teeth, either.

Here, give me another beer to pretend as if I do.
What did you say back there, you old hag?
Step back if you think I stink.

Because don't you think
That just because you see me
Leaning here with my abandoned ways,
With all my crap
Spilling out of my baskets,
That I'm nothing but a scallywag
Swimming in beer and grease,
A simple wreck of the slums.
No, gentlemen, you must pay respect
To the empress,
The archduchess,
The high-class lady,
The beautiful abbess,
The one who walks like a goddess,
The seductress,
The enchantress,
Who spits on your pity.

Just one last little one and then goodbye.
I have to go back to those sloping streets
That I've always inspected and haunted
As if I were searching for some lost treasure there.
But there's no treasure, there's only dog crap,
Vicious pensioners and nasty kids
Who poke fun at my face, puffy with bruises,
And the gaping holes in my underwear.
At night I'm divine in the red neon lights,
Fresh as the carnations I stole from the cemetery
That I sell for the price of a sip of beer
To the transvestites on Germain-Pilon Street.
At night that's where the real lights are,
When a young homeless guy takes me for a hooker,
Closes his eyes, hugs me, and finally screws me,
Leaving me happy and spread-eagled.

Who are you, anyway, who calls himself my friend,
A peeper or one of those ethnologists
Who wants to put me in his catalog?
Well, maybe I'll answer you: I need a half.
That was a long time ago... And then no, I don't remember anymore.
I prefer to keep quiet, to remain an illusion,
To be nothing but the most temporary legend,
A tag wiped away as soon as it rains,
A disgrace that becomes a nightmare lived,
A puppet's head shaking its trinket,
A scarecrow that the wind unhinges,
A brief moment showing its heart and its ass.