Текст и перевод песни Richard Bohringer - Afrique ma mère

Afrique ma mère

Abidjan, Dakar, Ouaga. Aéroport. Je descends de la passerelle.
Les mains noires qui prennent le passeport. Grosse misère.
Sauf le sourire qui fait péter le
Clavier. Des senteurs. Poivre. Essences brûlantes.
Odeurs humaines. Sueur.
Tu prends tout dans la gueule. Tu sais que tu n'oublieras jamais.
Les douaniers qui jouent aux officiers prennent leur temps.
Le temps de faire monter en toi ce foutu
Sentiment qu'on est bien loin de chez soi.
Un jeune mec vient vers moi. Il s'appelle Eric.
Il va me conduire au camp. Deux heures de route.
On réussit à se faufiler sans trop frôler. Rien n'est innocent.
Je crie le nom de mon petit gars.
Ça résonne jusqu'au fond de la forêt.
Incroyable dégringolade qui vient du ciel,
De là-haut, de la cime des fromagers géants.
Il paraît que les éléphants les appelaient maman.
Au large, plus loin, une fleur solitaire.
Une fleur émouvante et vénéneuse. Désirable.
Un petit boa est passé devant moi. Cette fois, c'est vrai.
Une nuit, j'avais vu un bébé
éléphant. C'était pas vrai. J'avais trop bu.
Je voulais tellement le voir cet éléphant Paulo. Tu comprends, toi.
Mais cette fois, le petit boa, c'est vrai.
Je fais rire mes potes en leur disant
Que Mamie, elle n'en reviendrait pas.
Mes gamins,
C'est bien con qu'ils soient pas là. C'est mieux que dans les livres.
Faut choisir,
C'est l'école ou l'aventure. Pour l'instant c'est l'école.
Moi je croise un boa et mes gamins, très loin, sont à la récré.
Papa recherche le fils de Tarzan au
Fond de la jungle. Papa fait joujou.
Y'a le soleil au fond, sanguinolent.
Bientôt, des ombres de femmes, des ombres d'hommes.
Des visions.
On avait quitté la ville. À peine vue. Mauvais sentiments.
La mort qui passe. Tous ces routards,
Tous ces soiffards. Toutes les gazelles urbaines.
Eblouissantes. Dur, la poésie. Je la savais la misère.
Un bout d'Afrique loin de la ville.
Fallait du vrai rêve, des vrais fleuves,
Des vrais humains dans de vraies pirogues.
L'odeur sauve mon rêve. L'odeur de l'Afrique.
Entre le lagon et l'océan,
Le grand camp des petits Blancs qui se reposent sans serpent.
Exotisme. Petit frisson garanti.
Et moi je suis dedans. Comme les copains.
Cocktail de fruits, banane dans le cul.
Un blaireau, une vraie camomille,
Voilà ce que je suis. Moi qui voulais l'Afrique.
Je suis dans un putain de club de vacances. La jungle sans l'hépatite.
L'ivresse avec des fleurs dans les
Cheveux. Gout monoï. A jouer l'aventurier.
Fallait que les fleurs saignent.
Fallait que les lézards deviennent crocodiles.
Fallait qu'elles deviennent toutes des reines de Saba.
Fallait que je m'imprègne, que j'imprime. Fallait que je ruisselle.
Fallait que je déchire les flots verts de la piscine d'eau de mer.
Le matin on va se laver dans le fleuve. Il est grand. Il va loin.
Les lions sortent de la forêt.
Il y a des milliers de fleurs. Elles sont de toutes les couleurs.
Les hommes en font de grands bouquets.
Les déposent aux pieds d'un vieil homme.
Puis ils vont se cacher.
Ils n'ont pas le droit de regarder.
Leur fiancée se cache sous les fleurs.
Le vieil homme donne le signal.
Les hommes doivent reconnaître leurs fleurs.
Si les fleurs qu'ils choisissent cachent leur
Fiancée, c'est qu'ils sont sincères. Ils peuvent se marier.
Il y a des grands bateaux blancs qui
Descendent le fleuve. Les hommes se reconnaissent.
Les femmes se font des grands signes. On échange des cadeaux.
On se met en rond autour d'un grand feu. Tout le monde chante.
Les lions font les basses.
Les petits oiseaux multicolores se cachent dans leurs crinières.
Ils les attrapent en prenant garde de ne pas les
écraser et les embrassent à grands coups de langue.
Le roi des lions est très fort. Il a beaucoup de petits enfants.
Lorsqu'il est très tard, tout le monde se couche.
Les femmes laissent les fleurs à leur porte.
Des milliers d'oiseaux viennent dormir dedans.
Le matin y'a des bouquets qui dansent dans le ciel.
Les jeunes mariés vont se baigner tout nus dans la rivière.
Les hommes montent travailler sur la
Montagne. Du village, on les entend chanter.
Emmène-moi dans le village,
Là où ma mère est née, là où papa est un sage.
"Je peux pas faire plus vite, dit Alain. Ce foutu camion avance pas.
Et les mecs, y chantent pas en montant travailler sur la montagne.
"Je ne vais pas t'emmener dans le village là où ta mère est née.
"Je vais t'emmener aux portes de l'Enfer."
Isaac. Mon compagnon dans la jungle.
Bien calé contre la portière, l
E soleil à travers le pare-brise lui fait éclater le profil.
Il est beau. Il est griot.
"Je vais t'emmener là où je suis né. À Treichville."
Alain grimace. "Tu vas voir,
C'est pas de la tarte ce bled. Il vient de loin le père."
Isaac sourit. C'est Aladin, ce mec.
Il a le sourire dévastateur. Tu comprends, Paulo.
Isaac c'est une merveille. Comme Mendy.
Toujours un bout de prière au fond
Des yeux. Une espèce de fièvre de vie.
On est bien sur la banquette de ce foutu
Camion. Tous les trois. On longe le lagon.
Une pirogue file sous la pluie.
Il y a la jungle qui défile. Avec les grands arbres.
Il y a bien un lion derrière tout ça. "Et non", dit Isaac.
La route toute droite.
Des formes bleues dans la nuit. Qui se baignaient dans les rivières.
Les marais. J'étais éponge. J'aspirais.
On meurt toujours inachevé. Pas fini l'humain. Découvrir l'Afrique.
Etre un putain de sympathique Serbo-Croate pilote
D'un avion peint avec des taches comme les girafes,
Fou amoureux d'une volcanique danseuse de tango.
Embarqué par son brûlant désir, sa passion ibérique,
à la recherche du fils de Tarzan dans la forêt d'émeraude.
Afrique ma mère,
T'es ma rêverie intense. C'est le soir. Tout est rouge.
Les grandes barques passent la
Barre. Le vent fait flotter les boubous.
Les femmes protègent leurs yeux du sable.
Tout ça me remonte à la gueule sur le trottoir à Treichville.
À la recherche du grand fleuve, la nuit.
Abîme immobile. Une nuit comme un siècle.
Avec toute l'histoire du petit blanc émerveillé.
Afrique ma mère émerveillement. Tragédie de chaque instant.
Un autre se lève en toi.
Un homme d'avant. Dans une histoire sans différence.
Au loin, comme des ombres chinoises,
Des grands éléphants font semblant de se doucher
Avec leur trompe pour faire rire les enfants.
Afrique ma mère. A voir ta misère. T
On courage. À sournoisement l'accepter. Tu m'as brisé.
Les grands lions chasseurs de neiges
éternelles. Girafes convalescentes. Gazelles agacées.
Hyènes faux derches. La savane. L'ami africain. Polygame.
Petit garçon devant ses deux femmes.
Vie africaine. Inlassable. Eternelle. Chaque jour.
Avec des couchers de soleil comme des
Flaques de sang qui barbouillent le ciel.

Africa, My Mother

Abidjan, Dakar, Ouaga. Airport. I step off the plane.
Black hands take my passport. Deep misery.
Except for the smile that makes the
Keyboard crackle. Scents. Pepper. Burning essences.
Human smells. Sweat.
You take it all in. You know you'll never forget.
The customs officers playing officers take their time.
The time to let that damn
Feeling of being far from home rise within you.
A young guy comes up to me. His name is Eric.
He's going to drive me to the camp. Two hours on the road.
We manage to weave through without too much contact. Nothing is innocent.
I shout my little guy's name.
It echoes to the depths of the forest.
Incredible tumble coming from the sky,
From up there, from the top of the giant cheesemakers.
They say the elephants used to call them mama.
Offshore, further away, a solitary flower.
A moving and poisonous flower. Desirable.
A little boa constrictor passed in front of me. This time, it's real.
One night, I had seen a baby
elephant. It wasn't real. I had drunk too much.
I wanted so badly to see this elephant, Paulo. You understand.
But this time, the little boa, it's real.
I make my buddies laugh by telling them
That Granny wouldn't believe it.
My kids,
It's a shame they're not here. It's better than in the books.
You have to choose,
It's school or adventure. For now, it's school.
Me, I cross paths with a boa and my kids, far away, are at recess.
Daddy's looking for Tarzan's son at the
Bottom of the jungle. Daddy's playing.
There's the sun in the background, bloody.
Soon, shadows of women, shadows of men.
Visions.
We had left the city. Barely seen it. Bad feelings.
Death passing by. All those backpackers,
All those thirsty souls. All the urban gazelles.
Dazzling. Poetry is hard. I knew about misery.
A piece of Africa far from the city.
I needed real dreams, real rivers,
Real humans in real pirogues.
The smell saves my dream. The smell of Africa.
Between the lagoon and the ocean,
The big camp of little white people resting without snakes.
Exoticism. Little guaranteed shiver.
And I'm in it. Like my friends.
Fruit cocktail, banana up my ass.
A badger, a real chamomile,
That's what I am. Me, who wanted Africa.
I'm in a goddamn vacation club. The jungle without hepatitis.
Drunkenness with flowers in my
Hair. Monoï taste. Playing the adventurer.
The flowers needed to bleed.
The lizards needed to become crocodiles.
They all needed to become Queens of Sheba.
I needed to soak it up, to imprint myself. I needed to stream.
I needed to tear through the green waves of the seawater pool.
In the morning we're going to wash ourselves in the river. It's big. It goes far.
The lions come out of the forest.
There are thousands of flowers. They are all colors.
The men make large bouquets of them.
They lay them at the feet of an old man.
Then they go and hide.
They have no right to look.
Their fiancée is hiding under the flowers.
The old man gives the signal.
The men must recognize their flowers.
If the flowers they choose hide their
Fiancée, it means they are sincere. They can get married.
There are large white boats that
Go down the river. The men recognize each other.
The women make big signs to each other. We exchange gifts.
We gather in a circle around a big fire. Everyone sings.
The lions make the bass.
The little multicolored birds hide in their manes.
They catch them, being careful not to
crush them, and kiss them with big licks of their tongues.
The king of the lions is very strong. He has many children.
When it is very late, everyone goes to bed.
The women leave the flowers at their doors.
Thousands of birds come to sleep in them.
In the morning there are bouquets dancing in the sky.
The newlyweds go swimming naked in the river.
The men go up to work on the
Mountain. From the village, we can hear them singing.
Take me to the village,
Where my mother was born, where my father is a wise man.
"I can't go any faster," says Alain. "This damn truck won't move.
And the guys, they don't sing when they go up to work on the mountain.
"I'm not going to take you to the village where your mother was born.
"I'm going to take you to the gates of Hell."
Isaac. My companion in the jungle.
Well settled against the door, the
Sun through the windshield makes his profile explode.
He is beautiful. He is a griot.
"I'm going to take you to where I was born. To Treichville."
Alain grimaces. "You'll see,
It's not a piece of cake, that place. The father comes from far away."
Isaac smiles. This guy is Aladdin.
He has a devastating smile. You understand, Paulo.
Isaac is a wonder. Like Mendy.
Always a bit of prayer at the bottom
Of his eyes. A kind of fever for life.
We're good on the seat of this damn
Truck. All three of us. We drive along the lagoon.
A pirogue glides in the rain.
There's the jungle passing by. With the tall trees.
There must be a lion behind all that. "And no," says Isaac.
The road is straight ahead.
Blue shapes in the night. Who were swimming in the rivers.
The marshes. I was a sponge. I was sucking it all in.
We always die unfinished. The human is not finished. Discovering Africa.
Being a goddamn nice Serbo-Croatian pilot
Of a plane painted with spots like giraffes,
Madly in love with a volcanic tango dancer.
Embarked by her burning desire, her Iberian passion,
In search of Tarzan's son in the emerald forest.
Africa, my mother,
You are my intense reverie. It's evening. Everything is red.
The large boats pass the
Bar. The wind makes the boubous flutter.
The women protect their eyes from the sand.
All that comes back up to my face on the sidewalk in Treichville.
In search of the great river, at night.
Motionless abyss. A night like a century.
With the whole story of the amazed white boy.
Africa, my mother, wonderment. Tragedy of every moment.
Another one rises within you.
A man from before. In a story without difference.
In the distance, like Chinese shadows,
Large elephants pretend to shower
With their trunks to make the children laugh.
Africa, my mother. To see your misery. Your
Courage. To slyly accept it. You have broken me.
The great lions, hunters of eternal snows.
Convalescent giraffes. Annoyed gazelles.
Fake-ass hyenas. The savannah. The African friend. Polygamous.
Little boy in front of his two wives.
African life. Tireless. Eternal. Every day.
With sunsets like
Pools of blood smearing the sky.